César 2000 du Meilleur court-métrage pour "Sale Battars" primé dans près de 20 festivals, Delphine Gleize a présenté "Les Méduses" à la Semaine de la Critique à Cannes et s'apprête à tourner son premier long-métrage. Unifrance : vous avez fait la Femis section scénario. Pourquoi avez-vous choisi d'écrire pour le cinéma? Delphine Gleize : j'ai d'abord fait une maîtrise de lettres avant la Femis pour en effet devenir scénariste. Je n'aime pas que les choses soient terminées et l'idée d'écrire pour des réalisateurs me plaisait. Le scénario n'est qu'une étape. Quelque chose de vivant, de beaucoup plus grand va naître de ce travail d'écriture. Une fois le scénario fini, rien n'est fait. Ce n'est qu'un outil pour communiquer avec une équipe, pour un producteur. Le vrai scénario existe quand on réussit à créer des conditions qui font que, d'un seul coup, de nombreuses choses se rencontrent, se confrontent et il y a un moment de vérité qui naît. Cela apparaît au moment du tournage. Unifrance : au départ vous ne pensiez pas réaliser vous-même. Comment êtes-vous passée à la réalisation ? Delphine Gleize : c'est vrai, au départ, j'adorais l'idée d'être celle qui pouvait rester couchée le premier jour du tournage. Le grand luxe. Quand j'ai écrit le scénario de "Sale Battars", j'étais encore à la Femis et je l'ai fait lire à des élèves réalisateurs. En même temps, j'avais envie de choisir les comédiens, les décors. Je savais tellement ce que je voulais, ce que cela allait devenir. Et je ne pouvais pas imposer tout ça à un réalisateur. J'écris mais je ne suis pas respectueuse de l'objet scénario. Je ne reste jamais fidèle au scénario et le film y gagne toujours. Unifrance : comment choisissez vous vos comédiens et comment les avez-vous dirigés ? Delphine Gleize. : exceptée Lucia Sanchez, l'actrice de "Un Château en Espagne", avec qui j'ai tourné pour la première fois à la Femis, j'ai beaucoup travaillé avec des non professionnels. Cela me faisait très peur de diriger les acteurs. En fait, je me demande d'abord si j'ai envie de passer une semaine avec la personne et si, au fond, on se ressemble. Ce qui compte c'est la confiance. Si vous avez confiance en vos comédiens, ils le sentent et font le même film que vous. Dans "Un Château en Espagne", j'ai filmé ma grand-mère. Elle n'est jamais allé au cinéma et je ne lui avais pas dit qu'elle allait tourner. Et, comme pour les comédiens de "Sale Battars", elle n'a jamais eu le scénario entre les mains. La lecture du scénario risquait de donner un côté pédagogique, un truc d'école assez angoissant finalement. C'est formidable d'être avec les acteurs, dans un travail qui peut évoluer tout le temps. Pour la suite, j'essaierai de traiter les professionnels comme des amateurs. J'espère pouvoir diriger des acteurs connus comme s'ils n'avaient pas le scénario. Pour "Sale Battars", j'ai fait trois mois de tournées d'apéros le dimanche dans les familles… Je leur jouais ce que je voulais tourner et j'étais tellement mauvaise que chacun me donnait sa version pour finalement me proposer de jouer. La direction d'acteurs, elle était là… Unifrance : vous êtes déjà allée deux fois à Cannes avec vos films. Comment cela s'est-il passé? Delphine Gleize : en 1999, "Un château en Espagne" a été présenté pour la première fois au public à la Quinzaine des Réalisateurs ; la salle était pleine à craquer et l'accueil avait été formidable. À la Semaine de la Critique, où "Les Méduses" était sélectionné cette année, les courts sont projetés avant un long-métrage et le public est rarement là pour le court. Cependant, il y avait des gens qui avaient vu "Sale Battars" et "Un château" et qui du coup venaient voir "Les Méduses" comme s'ils avaient pris une carte de fidélité. J'ai eu l'impression d'avoir vieilli. Et puis cette année à Cannes, j'ai travaillé pour préparer le long. Unifrance : après 3 courts-métrages vous passez au long-métrage, pouvez-vous nous en parler? Delphine Gleize : j'ai écrit la première version de "Carnages" il y a 3 ans. L'idée de base c'est le parcours des organes du taureau après sa mise à mort lors d'une corrida. Où vont les yeux, les cornes, la viande, etc. Chaque fois que le morceau de taureau arrive chez les gens, il sert de révélateur dans leur vie, il a une fonction. Ce n'est pas intellectuel ni symbolique, c'est très concret. C'est à la fois burlesque et absurde. A chaque fois le taureau révèle la part d'ombre de chacun. Le film démarre sur une chronique de vie de gens très normaux, un couple avec un enfant de 5 ans et un dog allemand, un couple qui ne se parle plus beaucoup. Puis on suit la fin d'une corrida en Espagne, après la mise à mort du taureau. Et là, le parcours commence et on entre dans la vie d'une dizaine de personnages entre la France, la Belgique et l'Espagne. Unifrance : qui le produit ? Delphine Gleize : Jérôme Dopffer, qui a produit mes courts. On s'est rencontré à la Femis où il était dans la section production. Il a créé Balthazar Productions pour produire "Sale Battars". Canal + à travers Nathalie Bloch-Lainé s'est engagé très tôt sur le projet, ainsi que Michel Saint-Jean qui distribuera le film. Nous avons aussi obtenu l'avance sur recettes et maintenant nous travaillons en coproduction avec la Belgique et l'Espagne. On commence le tournage en septembre. Unifrance : recevoir le César du meilleur court-métrage a-t-il changé quelque chose pour vous? Delphine Gleize : pas vraiment, si ce n'est le regard que les autres posent sur vous. Les gens attendent le long… un peu comme s'ils m'attendaient au tournant. Propos recueillis par Christine Gendre et Magali Montet copyright Lettre d'Unifrance n° 23