Finalement même le soit disant « bon goût français » ne résista pas bien longtemps aux sirènes racoleuses du mondo, ces vrais/faux documentaires remis au goût du jour par le succès planétaire de Mondo Cane (1962). Sang, sexe, mort, occasionnellement humour outrancier. Le tout solidarisé autour d’un commentaire aussi érudit que railleur. Focalisé sur la Ville Lumière et ses pratiques secrètes, insolites et extravagantes, Paris top secret ne déroge pas aux règles du genre tout en apportant un zeste d’absurdité bienvenu contrairement à bon nombre de ses confrères. Si l’ouverture emmenée par un Philippe Bouvard – aux commentaires sarcastiques et persifleurs – sautillant de voiture rapide en péniche peut faire sourire, ce n’est absolument pas le cas des premiers sujets « brûlants ». Les rapports amoureux qui unissent un mannequin et sa panthère domestique laissent de marbre. Au cabaret Don Camillo, le « kissomètre » mesurant l’intensité des baisers tient de l’attraction foraine dans le sens péjoratif du terme et ne satisfait absolument pas aux promesses du « mariage de l’électronique et de la chair humaine ». La séquence d’art contemporain, bien désuète aujourd’hui, s’attarde sur les moulages de parties intimes de demoiselles, destinés à être assemblés sous forme de sculptures. Elégamment, MC Bouvard nous gratifie d’un superbe : « C’est le triomphe de la pièce détachée. » Le temps ne détruit pas tout, il érode juste pas mal de choses. Heureusement, les coulisses du Concert Mayol dynamise la bande surtout quand le sujet stationne autour de la fabrication du cache sexe utilisé par les strip-teaseuses. On se plait à y croire lorsqu’arrive le segment suivant orchestré par le Grand Magic Circus de Jérôme Savary. Un happening complètement délirant où de vrais/faux employés insultent leur faux patron avant de s’unir dans une parodie tribale de repas familial. Le mobilier est réduit en miettes. La purée, les œufs et le vin balancés aux quatre coins du décor. Manque de pot pour la suite, un zozo adepte de la peinture sur corps plombe l’ambiance. Puis c’est au tour des dessins érotiques de Picasso, exposés à la galerie Louise Leiris, qui conduisent logiquement à un centre de chiens errants (!). Un sursaut intervient lors d’une séquence gentiment zoophile qui confine à l’absurde quand apparaissent un serpent, puis un crocodile avec une baigneuse, puis un bébé caïman, puis un varan, puis un kangourou et enfin une lionne. Ces rapports équivoques se déroulent chez un docteur qui mesure les pulsations cardiaques de ses patients ! L’apogée est atteinte avec « les épouses du diable » qui sont « sur la pente savonneuse du vice ». MC Bouvard nous prévient qu’il s’agit là « d’une ancienne secte océanique dont il n’existe qu’une succursale en Europe dont il est impossible de révéler l’adresse ». Bref, cela ne nous empêche pas d’assister au rite initiatique d’une jeune fille innocente qui se conclut par l’apparition d’un grand prêtre prêt à tous les sévices. Il porte une tête de loup, « puisque tous les hommes sont des mufles » philosophe MC Bouvard. Profondément déséquilibré, souffrant d’un mauvais agencement de ses séquences, Paris top secret n’atteint jamais le surréalisme du Paris interdit de Van Belle mais témoigne d’une évidente prise de distance avec une mouvance à jamais considérée comme le vilain petit canard du cinéma de genre. - Frédéric Thibaut
© "Dictionnaire des Films Français Pornographiques et Erotiques" (Christophe Bier, Serious Publishing).