Telle son héroïne Alice, marin au long cours de Fidelio, l'odyssée d'Alice, la réalisatrice Lucie Borleteau a tenu un journal de bord de sa présence au Festival de Locarno 2014. Et vogue le navire...
8 août
Grâce à Unifrance, je me rends au festival en avion. Après une escale à Zürich, c’est un tout petit appareil qui m’amène à l’aéoport de Lugano, tout près de Locarno. Je vois l’hélice tourner par le hublot au dessus des montagnes suisses, j’ai l’impression d’être dans Seuls les anges ont des ailes de Howard Hawks.
J’attends mon actrice Ariane Labed qui est en tournage et qui va arriver dans la soirée. Je vois sur la Piazza Grande des affiches de son autre film à Locarno, Love Island, et son visage est partout sur le magazine du festival, "PardoLive" !
Le cocktail dînatoire UniFrance nous permet de patienter dans la bonne humeur… et de croiser des camarades – l’équipe de Fort Buchanan, notamment.
9 août
C’est la journée de la projection officielle de Fidelio, l'odyssée d'Alice et pour moi elle restera marquée par le déluge de 9h, devant la première projection pour la presse où je suis venue régler le son. Heureusement, malgré cette averse digne des Parapluies de Cherbourg, il y a du monde dans la salle Kursaal et le son est bien réglé.
Après, tout s’enchaîne comme dans un rêve : Ariane et moi arrivons au photocall, accompagnées du jeune acteur roumain Bogdan Zamfir et de la productrice du film, Marine Arrighi de Casanova. Il ne pleut plus. On se fait coiffer et maquiller comme des princesses. On pose pour les photographes devant le mythique fond « léopard » du festival.
Ariane est magnifique, fraîche ; débarquée en plein tournage elle répond aux questions avec vivacité et intelligence. Au moment de la conférence de presse, bonne nouvelle : il y a de bons échos des journalistes ! Du coup je donne ma première interview (de toute ma vie) après un déjeuner aux accents italiens, et arrive vite l’heure de la projection officielle au FEVI… La salle comporte 3000 places, on m’avait dit que ce ne serait pas plein. Or, le film projeté juste avant a pris du retard et une longue file s’allonge devant l’entrée !
Je crois mourir de trac. J’ai la nausée. Un acteur qui joue un petit rôle dans le film, Thomas Scimeca, me fait un massage – il a déboulé à Locarno par la présence d’un court-métrage français, Totems, dans lequel joue sa petite amie, Julie Lesgages. Heureux hasard…
Ce n’est pas de monter sur scène qui me fait peur, je sais déjà ce que je vais dire : je remercie Carlo Chatrian, le directeur du festival, d’avoir programmé mon film le jour de la Saint-Amour. C’est la projection du film lui-même qui fait battre mon cœur trop vite. Au bout de 10 minutes, main dans la main avec Ariane, je fonds en larmes. Ça y est, le Fidelio est mis à flots… Devant une salle comble de 3000 personnes !
Après un débat très chaleureux avec le public, on peut enfin se détendre et profiter du prosecco. A Locarno, toutes les bonnes soirées se terminent au Paravento, un bar splendide où tout le monde se retrouve passé minuit. Il y a même le président d'Unifrance, Jean-Paul Salomé, qui a vu et aimé Fidelio, l'odyssée d'Alice.
10 août
Aujourd’hui, on se repose un peu. J’ai enfin le temps d’aller voir un film !
11 août
Je fais ma première interview en langue anglaise. Je pense que la journaliste corrigera mes fautes ! Je vois pour la première fois un film sur la Piazza Grande ; je me dis que si un jour un de mes films est projeté là, je pourrai re-mourir de trac. 5000 personnes et un écran géant sous les étoiles.
12 août
Je reste un jour de plus pour pouvoir passer sur France Inter. UniFrance a changé mon billet. Je rencontre les Américains Alex Ross Perry et Jason Schwartzman. On cause direction d’acteurs et tournage en pellicule…
13 août
A l’aéroport de Zürich, en direction de Paris, j’achète une montre et du chocolat.
14 août
J’apprends que Fidélio va recevoir le prix Europa Cinemas ! J’hésite à repartir le chercher à Locarno…
15 août
J’apprends qu’Ariane va recevoir le prix d’interprétation féminine. C’est décidé, je repars à Locarno !
16 août
Dans la voiture qui vient nous chercher à l’aéroport de Milan, je rencontre Céline Sallette, magnifique interprète du rôle éponyme de Geronimo de Tony Gatlif, projeté ce soir à la Piazza Grande.
C’est une journée très agréable, Fidélio reçoit tellement d’honneurs ! Il y a une émotion toute particulière pour moi lorsque Ariane reçoit le prix d’interprétation féminine : parmi la foule sur la Piazza Grande, notre muse, la vraie femme marin, l'amie qui a inspiré le personnage d’Alice, est présente ce soir-là.
17 août
Levée tôt, peu dormi, je peux enfin faire ce que je n’avais pas eu le temps de faire au début de la semaine : une baignade dans le lac ! Une pensée pour le film d’Alain Guiraudie. Endroit de baignade indiqué par Carlo Chatrian, le directeur du festival. Locarno nous a aidé à trouver un distributeur pour le film, et depuis, les demandes pour les festivals internationaux affluent… Mais surtout, pour moi, le festival a permis de montrer le film à un public large et chaleureux en première mondiale, un public de professionnels, de critiques mais aussi de cinéphiles, dont les premiers retours sont de bonnes vibrations pour la suite de la traversée ! |