A la tête de la très active société de ventes internationales Playtime depuis 20 ans, Nicolas Brigaud-Robert est à Tokyo dans le cadre du Marché du Film Français, avec un line-up comprenant plusieurs titres phares de la dernière sélection cannoise.
Quel est l'état du marché japonais aujourd'hui pour un vendeur de films français ?
On a toujours l'impression que l'âge d'or est derrière nous, mais en fait ça a toujours été difficile. Le Japon reste un pays où l'on a beaucoup d'interlocuteurs. Il y a par exemple toute une gamme de distributeurs : des gros indépendants aux plus petits spécialisés dans le film de genre, en passant par les distributeurs de films dits "de festival". Cette multiplication d'interlocuteurs, on ne l'a pas dans tous les pays, et c'est une grande force de la diversité du marché japonais. Chaque exportateur réussit ainsi à trouver des interlocuteurs qui seront susceptibles d'être intéressés, quel que soit le type de film que l'on amène sur le marché. Ca ne veut pas dire que tout se vend, loin de là, mais ce qui est sûr c'est qu'il y a cette vraie dynamique en terme de diversité, et c'est une grande chance.
En termes de volume de chiffres d'affaires, la tension du marché est-elle palpable ?
Là aussi on a toujours l'impression que le meilleur est passé, mais moi j'ai toujours trouvé que le Japon était un pays contrasté : on peut avoir des flambées sur un certain nombre de prix, car le marché peut être très concurrentiel entre des distributeurs qui se font parfois une concurrence féroce, et en même temps c'est vrai qu'on a un public qui vieillit, qui n'a pas forcément suivi la consommation sur les nouveaux médias... Démographiquement, le rétrécissement mécanique de notre public "solvable" est sans doute un frein à l'augmentation des prix, c'est certain. Et ce n'est pas uniquement le problème du cinéma français, mais un problème plus général sur ce qu'est aujourd'hui le cinéma, dans son ensemble, aux yeux du jeune public japonais.
Quels sont les films de Films Distribution que vous êtes le plus fier d'avoir vendus au Japon ?
Je vais plutôt parler des dernières ventes. Le fait d'avoir réussi à vendre 120 battements par minute au Japon est la preuve de la qualité du film, bien évidemment, mais également celle d'une certaine ouverture du marché. C'est un film qui aurait été beaucoup plus difficile à vendre il y a dix ans. Le succès inattendu de Moonlight au Japon a ouvert une voie, c'est un signe d'optimisme. Et bien sûr nous sommes très fiers de la vente japonaise, à Cannes, de L'Amant double. Combien feront-ils d'entrées ici, à partir de combien pourront-ils être considérés comme des succès... tout cela reste complexe à définir car tout dépend de l'argent qui a été dépensé, puis des revenus secondaires. On peut très bien avoir des films qui trouvent leur économie après la salle. Quand on est un professionnel sérieux, on ne peut que prendre en compte toute la complexité de cette équation.