Vendeur international depuis vingt ans, et aux commandes, avec Laurence Schonberg, de Other Angle Pictures depuis dix ans, Olivier Albou est présent aux Rendez-Vous de New York, puis au Mercado del Cine Francés de Miami pour exporter majoritairement, avec sa société, des comédies françaises. Rude tâche aux Etats-Unis.
Existe-t-il une porte d'entrée pour la comédie française aux Etats-Unis ?
C'est une porte fermée ! La comédie française ne se vend pas ici : on considère que quand il s'agit d'une comédie pour les jeunes, il y a concurrence directe avec la comédie ado américaine, donc sans aucune chance d'exister, et que si c'est une comédie pour un public plus mature, le casting doit être identifiable immédiatement : Deneuve, Huppert... Une comédie extrêmement populaire à travers le monde comme Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? n'est ainsi jamais sortie ici. Il faut donc trouver un chemin à la comédie, et ça passe parfois par la vente des droits de remake, ou par la vente à une plateforme de SVOD comme Netflix ou Amazon. Other Angle a ainsi vendu à Netflix Un peu, beaucoup, aveuglément ou Bienvenue à Marly-Gomont. C'est une chance que ces autres modèles existent, cela a permis des débouchés qui n'existaient pas auparavant, mais ce serait bien que la comédie française prenne vraiment sa place aux Etats-Unis, comme elle l'a fait dans beaucoup d'autres pays récemment. Hormis en Angleterre, la comédie est le genre du cinéma français qui fonctionne le mieux en Europe.
Est-ce que le monde anglo-saxon n'est pas tout simplement hermétique à l'humour français ?
Peut-être, mais je ne veux pas croire que ce n'est que ça. Je vois, sur les marchés, des projections de comédies qui font hurler de rire les acheteurs anglo-saxons, mais au final ils n'achètent pas car ils pensent que leur public ne va pas aimer. En fait le distributeur US se dit que si la couverture presse est bonne, les salles Art & Essai vont prendre le film, et que si elle ne l'est pas, il n'aura pas de salle du tout. Avec un tel raisonnement, qui ne prend en compte qu'un public âgé qui ne va pas forcément voir de comédies, on ne peut donc fatalement que leur vendre que de l'Art & Essai. Il faudrait donc réfléchir autrement, se dire qu'on ne doit pas juste viser la critique, mais aussi le public, avec une campagne marketing adéquate qui pourra l'atteindre. Aux Etats-Unis, soit on est auteur soit on est studio, il n'y a pas encore de place pour l'entre-deux.
Concrètement, comment les choses pourraient-elles changer ?
Un seul film pourrait tout changer. Un film dont on se dit qu'il ne marchera jamais, et qui cartonne. Avec Other Angle, on a vécu ça avec Babysitting, film que tous les distributeurs ont d'abord refusé. Finalement Universal y est allé, et nous aussi sur l'inter. Et on l'a vendu quasiment partout, sauf aux Etats-Unis, mais c'était parce que nous n'en avions pas les droits. Babysitting a fait partie d'une mini-révolution, celle qui a montré qu'une comédie, un premier film avec des acteurs inconnus, pouvait marcher. Il y en a eu d'autres depuis cinq ans. De fait, les Allemands, les Italiens et les Espagnols sont désormais très attentifs, car personne ne veut louper le prochain ! Aux Etats-Unis il n'y a pas encore eu un tel film. Si on arrivait à leur en vendre un, de temps en temps, qui ferait 4 ou 5 millions de dollars de recettes, cela créerait forcément une dynamique. Tout est donc entre les mains des distributeurs. Il faut qu'ils finissent par se dire que quelque chose d'autre que ce qu'ils font peut marcher. Et si le distributeur est confiant dans le fait qu'Amazon ou Netflix voudra le récupérer par la suite, ça peut le conforter dans cette prise de risque. D'un autre côté, le désengorgement des salles au profit de la SVOD peut créer un peu d'espace pour la comédie française dans les salles. Il suffira alors de deux ou trois succès pour que les choses bougent. Enfin, il y a une dernière voie possible : faire de la distribution en direct avec les salles sans passer par les distributeurs. Si les distributeurs n'y croient pas, peut-être que les salles, elles, y croiront. Le numérique simplifie tout : les salles pourraient très bien exploiter des films en direct auprès des vendeurs. Il ne s'agit pas d'éviter les distributeurs, mais c'est une piste qui nous paraît intéressante à explorer.