Actuellement en confinement, cinéastes, actrices et acteurs français répondent, au fil de cette collection d'entretiens "Gardons le lien", aux questions de journalistes internationaux pour qui le cinéma français reste une voix et un regard qui portent loin.
Cette fois UniFrance a mis en relation Cédric Klapisch et la journaliste japonaise Kuriko Sato, qui écrit notamment pour le site web japonais francophile France.
Kuriko Sato : Comment se passent vos journées de confinement ?
Cédric Klapisch : On peut dire qu'elles se passent bien, malgré le fait que la vie n’est évidemment pas facile en ne sortant jamais de chez soi. Par chance, je suis en train d’écrire un projet, et comme le disait un de mes amis romancier : "Quand on écrit, on est habitué à l’éventualité du confinement…"
Pouvez-vous nous citer ici quelques-uns de vos livres et films préférés, que vous souhaiteriez recommander dans la situation actuelle?
Le mieux est d’aller sur le site de LaCinetek où chaque réalisateur (dont moi) donne sa liste des 50 films qu’il préfère… Pour les livres, je suis en train de relire les mangas de Jirô Taniguchi et je suis assez fan. Pour nous, Français, c’est aussi une jolie façon de voyager…
Pensez-vous que dans cet état de confinement, de plus en plus de gens apprécient davantage le cinéma grâce au streaming ou à la télévision?
Sans doute, oui. Là encore je vais citer La Cinetek, dont la fréquentation a litteralement explosé depuis le début du confinement…
Pensez-vous que la situation actuelle va changer les habitudes et la façon de voir les films chez les spectateurs ?
Je ne crois pas. Sans doute les gens vont utiliser de plus en plus la VOD ou SVOD mais ça aurait été vrai même sans cette quarantaine. Par contre, j’espère que la fréquentation en salle ne va pas être affectée. Ça, pour l’instant, personne ne peut le savoir…
Vous avez co-fondé La Cinetek, une plateforme VoD consacrée aux grands films du XXe siècle. Pouvez-vous nous en expliquer la visée et sa particularité?
L’idée était justement de créer un site internet où l’on ait accès à la cinéphilie. Jusque là, pour la vision des films de cinéma sur internet, c’était avant tout l’aspect commercial qui était développé. On a voulu mettre en avant une vision culturelle, en la rendant la plus vivante possible.
C’est un plaisir inouï pour nous de faire découvrir des films classiques ou juste "importants" aux jeunes d’aujourd’hui. Quand on fait découvrir la Nouvelle Vague ou Renoir ou Hitchcock ou le cinéma italien des années 60 ou les grands classiques du cinéma japonais (Mizoguchi, Ozu, Kurosawa, Oshima, Kobayashi etc…), c’est un plaisir fou. J’ai montré Les Sept samouraïs de Kurosawa à mon fils de 12 ans, et c’est un de mes plus grands bonheurs que de partager un film que j’aime avec lui. Évidemment, il soupire quand je lui dis "on va voir un film japonais en noir et blanc de 1957". Mais après, comme pour moi, en le regardant, il est captivé et il a totalement adoré. Il en a même parlé à un copain à lui au téléphone en disant que c’était "génial". Pour moi ce petit partage est une grande victoire…
À votre avis, quel rôle l’art remplit-il dans la situation actuelle?
Sans doute les gens comprennent que si on est sûrs qu’un docteur sert vraiment à quelque chose et sauve des vies, dans un deuxième temps les artistes aident aussi à vivre d’une autre façon, plus spirituelle… Mais c’est justement cet aspect spirituel que les gens découvrent plus facilement en ce moment, en étant enfermés avec eux-mêmes…
Pensez-vous que les spectateurs auront vite le désir de retourner à la salle de cinéma ?
Je crois qu’ils auront compris « le goût des autres » pour citer le film d’Agnès Jaoui… Cette distanciation sociale fait comprendre le plaisir de toucher et de rencontrer les gens. Oui les cinémas, les concerts, les fêtes entre amis et les endroits de partage manquent…
Au jour de déconfinement, qu’allez-vous faire en priorité ?
On a compris que ça ne sera pas "un jour"… Ce sera très graduel. Mais c’est sûr que la réunion entre amis, les terrasses de café, les restaurants et les cinéma manquent cruellement. Pour l’instant ce sont des vrais fantasmes…
Est-ce que cette crise sanitaire mondiale est de nature à inspirer l’imaginaire de cinéastes ? Quelle influence recevez-vous en tant qu’artiste?
Je réfléchis… sans doute différemment d’avant cette période. Réponse dans quelques mois…