Actuellement en confinement en raison de la crise liée au Covid-19, cinéastes, actrices et acteurs français vont répondre, au fil de cette collection d'entretiens "Gardons le lien", aux questions de journalistes internationaux pour qui le cinéma français reste une voix et un regard qui portent loin.
Pour inaugurer cette collection, UniFrance a mis en relation la réalisatrice Alice Winocour (Proxima) et le journaliste anglais Demetrios Matheou (Sight & Sound / The Sunday Herald / Metro / The Guardian / The Times).
Demetrios Matheou : Où êtes-vous confinée ?
Alice Winocour : Chez moi, à Paris.
À quoi occupez-vous votre temps, à la fois sur le plan personnel et sur le plan professionnel ?
J'écris. Je suis sur le point d'achever un scénario que j'ai écrit pour une actrice américaine. Ma vie n'a pas beaucoup changé parce que je suis naturellement en confinement quand je ne tourne pas.
Comment pensez-vous que les individus, mais aussi la société française dans sa globalité, vont sortir de cette crise ? Quelles leçons auront été retenues ?
Il y a l'idée de notre vulnérabilité. Mais aussi celle de notre rapport au temps, à la nature, aux autres. Le Covid-19 braque une lumière crue sur nous-mêmes et met à jour tous les problèmes auxquels nous devons faire face collectivement. J'espère aussi que les actes de solidarité et de fraternité qui se manifestent durant cette crise perdureront. Les crises sont toujours intéressantes car elles sont un point de jonction entre deux périodes.
Au regard des conséquences économiques qui se profilent, êtes-vous inquiète pour l'avenir des réalisateurs ? Pensez-vous être en mesure de tourner votre film dans un avenir pas trop lointain ?
Je suis optimiste de nature. Je suis moins inquiète pour les cinéastes que pour "les invisibles", les livreurs, les caissières, les infirmières et infirmiers que cette crise a rendus visibles, à l'instar des catégories les plus précaires de nos sociétés. Mais dans le domaine du cinéma, pour les distributeurs et les exploitants notamment, c'est un terrible coup.
On peut imaginer que les écrivains, les artistes ou les cinéastes préparent actuellement, et de manière très active, leur réponse à cette crise du Covid-19. Pensez-vous qu'il y ait un danger, dans un futur proche, d'un trop-plein de récits relatifs à cette crise ? On peut imaginer que le public voudra davantage revenir à la diversité de récits que le cinéma propose en temps normal. Quel est votre point de vue ?
Vous avez raison, mais je ne vois pas où est le problème. Je pense que ce qui est magnifique dans le cinéma, c'est que l'on peut parler de ce que nous vivons actuellement, de nos vies et de nos souffrances, de manière consciente ou inconsciente. Il y aura aussi des films qui ne parleront pas de ce que nous vivons actuellement de manière réaliste, mais de manière inconsciente, et ce sont peut-être ces films qui seront les plus beaux, les plus poétiques et les plus intéressants.