Alors en confinement, cinéastes, actrices et acteurs français ont répondu, au fil de cette collection d'entretiens "Gardons le lien", aux questions de journalistes internationaux pour qui le cinéma français reste une voix et un regard qui portent loin.
Cette fois, UniFrance a mis en relation Mathieu Kassovitz, dont La Haine fête cette année ses 25 ans, et la journaliste japonaise Kuriko Sato, qui écrit notamment pour le site web japonais francophile France.
Kuriko Sato : Allez-vous bien sous confinement ?
Mathieu Kassovitz : Oui, je suis à Paris, dans une belle maison. Je suis en train d’écrire un scénario. Ça va bien.
Cette année marque le 25ème anniversaire de La Haine. Diriez-vous que le temps est passé plutôt vite, ou le contraire ?
Le temps passe très vite, car j’ai la chance d’avoir beaucoup de travail et d’être occupé.
Quand on est jeune, il faut savoir que le temps passe très vite et qu’il faut profiter.
On parle beaucoup aujourd'hui des inégalités et des disparités dans la société française, rendues plus visibles par cette crise du Covid. Dans quelle mesure pensez-vous que les problématiques liées aux banlieues ont évolué ces vingt-cinq dernières années ? Pensez-vous que votre film a aidé à l'amélioration de la situation dans les quartiers ?
Ils ont évolué dans le sens qu'à l’époque on ne connaissait pas les banlieues et que maintenant on les connaît mieux. Le sujet est-il résolu ? Non, il n’est pas résolu. Mais si on n’avait rien fait, si on n’avait rien dit, je pense que ce serait pire aujourd’hui. Il y a toujours des brutalités policières mais les gens sont plus au courant, les policiers sont plus au courant et les politiciens sont plus au courant. À l'époque où j’ai fait le film, il y avait des brutalités policières absolument tout le temps et d’une manière complètement ouverte. Aujourd’hui, c’est plus difficile pour les policiers, il y a des caméras partout, on sait qu’ils sont filmés s’il y a un problème. À une époque, c’était très difficile de dire aux gens qu’il y avait des policiers qui faisaient des choses pas bien. Maintenant on peut voir ces choses, il faut les reconnaître, il faut les dénoncer, il faut respecter les victimes. Ça, ça n’a pas changé depuis des années.
On a beaucoup cité La Haine au moment de la sortie du film de Ladj Ly, Les Misérables, en novembre dernier. Etait-ce approprié, selon vous ?
Oui… Le film a inspiré d'autres cinéastes. Mais une fois qu'on aura beaucoup parlé des Misérables, il y a des gens qui vont redécouvrir La Haine grâce aux Misérables. C’est aussi comme ça que ça fonctionne.
Qu’en avez-vous pensé ?
C’est un très beau film. Il a fait son film sur son quartier, sur son univers. C’est très bien.
Dans La Haine, l’image en noir et blanc était esthétiquement très maîtrisée, loin du style ‘docu-fiction’ brut. Ce choix esthétique était-il essentiel pour vous ?
C’était important de faire un film esthétiquement beau afin que les gens acceptent l’histoire, acceptent les personnages et s'y intéressent. J’utilise la caméra pour raconter une histoire, donc j’ai la mise en scène spécifique. Et j'accorde beaucoup d'importance au rythme. Pour avoir le bon rythme, il faut être précis. Donc j'avais tout calculé à l’avance. Je savais exactement comment tout allait s’enchaîner.
La Haine va devenir une comédie musicale. Pourquoi maintenant ? Comment est né le projet ?
J’ai toujours voulu faire une comédie musicale et j'ai toujours pensé que La Haine était un film très musical. Puisque c'est le 25ème anniversaire du film, on me l'a justement proposé. Je n’y aurais pas pensé seul mais je trouve l'idée très bonne. Ce sera comme un film en live, disons un grand show. C’est une grosse production, il y aura cinquante danseurs sur scène, avec un mélange de chansons, de hip-hop, de rap, de danse, d’effets spéciaux, qui vont proposer un autre angle sur le film. On va raconter avec la musique des scènes du film. Ça va être sympa.
L’histoire se passe-t-elle à même époque que le film ?
Non, ça se déroule de nos jours. On le montera fin 2021.