À l'occasion du TIFF (10-20 septembre), Unifrance, en partenariat avec Le Film Français, propose chaque jour, pendant cinq jours, un regard sur les films français présents à Toronto vus par leurs exportateurs, sans oublier le court-métrage. Et aussi un état des lieux actuel du cinéma français hors de nos frontières, et de la situation en France.
- En Sélection officielle : La Nuit des rois, de Philippe Lacôte
- Industry Selects : Garçon chiffon, de Nicolas Maury
- L'été international du cinéma français
- Dernières nouvelles de France : Un redémarrage des salles en douceur
En Sélection officielle
La Nuit des rois, de Philippe Lacôte
Seul film français à cumuler des sélections à Venise, Toronto et New York, La Nuit des rois de Philippe Lacôte (réalisateur de Run en 2014) se positionne, pour Mathieu Delaunay, directeur des ventes chez Memento International, "comme un très bon film d’auteur qu’on aurait bien imaginé à Cannes si Cannes avait eu lieu, avec une mise en scène virtuose, pleine de conviction."
Le récit d’un homme acculé par le destin qui, le temps d’une nuit, doit raconter des histoires à des prisonniers dans une des prisons les plus dures du monde, la MACA d’Abidjan, afin de survivre. "C’est un film extrêmement original qui porte en lui l’essence très africaine de la culture du griot." Memento, qui travaille sur le film depuis la phase du scénario, compte sur un momentum entre les projections, à quelques jours d'écart, à Venise et Toronto, sachant que la stratégie a été de ne pas le montrer avant. "On pense que ce sera une belle surprise pour les acheteurs", poursuit Mathieu Delaunay, pour qui ce sont les "gros et moyens distributeurs art & essai généralistes" qui sont visés avec ce film. Avec le désir aussi que les pays anglo-saxons, parfois plus sensibles à la représentativité des minorités, s’y intéressent. Le film est également attendu en Afrique, ou Philippe Lacôte est un auteur respecté. Pour Mathieu Delaunay, la reprise du marché reste un grand point d’interrogation, malgré les multiples initiatives pour que les distributeurs indépendants aient des revenus cette année et puissent revenir plus forts l’année prochaine. "Nous avons par exemple décidé de casser les ‘hold-back’ classiques pour nos films, en autorisant certains de nos films à sortir dans des pays avant le pays d’origine, comme The Climb, qui est sorti en France avant les Etats-Unis, ce qu’on n’avait pas pu faire sur Call Me by Your Name. Il faut être flexible, à l’écoute." La Nuit des rois sortira en France, et dans le reste du monde, en 2021.
Industry Selects
Garçon chiffon, de Nicolas Maury
Présenté aux Industry Selects du TIFF 2020 (une sélection virtuelle à l’adresse des professionnels, qui permet au festival de soutenir des films n'ayant pu avoir accès à la programmation générale, en raison de la réduction drastique du nombre de films programmés cette année), Garçon chiffon de Nicolas Maury est vendu par Les Films du Losange.
Pour Alice Lesort, responsable des ventes au Losange, "avoir la preuve de l’affection d’équipes de programmation aussi prestigieuses que celles de Cannes [le film a reçu le label Cannes 2020, ndr], ou du TIFF pour un premier film est extrêmement valorisant. Et pour les distributeurs étrangers, c’est un balisage très important." Encore inédit physiquement en festivals (hormis à Angoulême), et avant sa sortie française le 28 octobre, le film a été lancé à l’international pendant le Marché en Ligne cannois, via une vidéo de présentation dans laquelle Nicolas Maury, le producteur Charles Gillibert (CG Cinéma) et les comédiens évoquaient le tournage, couplée à une première bande annonce internationale. Deux éléments de communication qui ont su capter l’attention des distributeurs internationaux, alors que le film n’était pas montré, et ont permis de provoquer des préventes à Taïwan et au Canada. "Nous visons les distributeurs régulièrement engagés auprès du cinéma français indépendant. Nous n’avons jamais envisagé Garçon chiffon comme un film LGBT, mais il y a des pays ou le simple fait de distribuer un film avec des personnages LGBT est un acte politique en soi, donc dans ces cas-là on va se rapprocher de distributeurs qui ont les réseaux nécessaires."
En terme de reprise du marché, Alice Lesort sent une "grande envie", mais perçoit que les distributeurs sont plus prudents que jamais. "Les situations sont très différentes d'un territoire à l'autre, c’est à nous de nous adapter." Notamment en terme de tarifs. Côté VOD, Alice Lesort note que son accélération ne s’est pas faite sur la typologie des films que défend typiquement le Losange. Malgré quelques sorties "virtuelles" (Vif-argent au Royaume-Uni, L'Audition aux Etats-Unis) "la VOD ne compense absolument pas la perte des salles fermées et des distributeurs en difficulté. Les plateformes qui en ont les moyens ne s’intéressent que très ponctuellement au cinéma indépendant. À voir si c’est amené à se généraliser ou si des plateformes plus petites, comme l’excellente Mubi, vont suivre ce chemin. Alors seulement la VOD pourra être une solution viable."
L'été international du cinéma français
Presque 300 films français ont été exploités sur les écrans étrangers depuis la réouverture progressive des salles. Ce chiffre élevé se compose d’un grand volume de titres en continuation, de reprises et de ressorties, et témoigne de la diversité de l’offre hexagonale. Les trois premiers mois de 2020 ont fait la part belle à Portrait de la jeune fille en feu et à J'accuse, deux exemples qui s’opposent à l’idée reçue que seuls les comédies, les films familiaux et d’action franchissent le seuil du million de spectateurs hors France. Les mesures et les stratégies des gouvernements et des professionnels changeant d’un pays à l’autre, il est plus difficile que jamais de suivre la sortie d’un titre sur plusieurs marchés de façon simultanée ou rapprochée. De plus, les festivals, qui marquent souvent le début de la carrière d’un film dans un pays, ont été annulés ou reportés, impactant ainsi les lancements déjà planifiés. Si l’on analyse les 10 plus gros succès français des derniers mois, on remarque donc que leur présence dans la liste est principalement due à un exploit local. La Belle Époque et Les Misérables ont réuni plus de 100 000 cinéphiles : le premier a séduit les Sud-Coréens et les Australiens, le second a fait sensation à Hong Kong. Si Rendez-vous chez les Malawas a dominé le box-office portugais, La Vérité a mobilisé les Néerlandais et Un divan à Tunis les Allemands, sans oublier SamSam qui a porté haut les couleurs de l’animation française, notamment en Australie et en Pologne. À l’image de l’Hexagone, les marchés francophones ont misé sur La Bonne Épouse pour faire revenir le public en salles.
Dernières nouvelles de France, par Le Film Français
Un redémarrage des salles en douceur
Par Kevin Bertrand (Le Film Français)
Fermés le 15 mars, les cinémas français ont eu l’autorisation de rouvrir leurs portes le 22 juin, en avance de quelques semaines sur le calendrier visé par la profession. Contrairement à beaucoup de pays européens, où la réouverture a souvent été progressive, la très grande majorité du parc de salles français a repris ses activités dès la fin juin. Avec, évidemment, un protocole sanitaire strict : gel hydroalcoolique mis à disposition, instauration de la distanciation physique dans les salles (en laissant un siège de séparation entre chaque spectateur ou groupe de spectateurs) et en dehors, nettoyage/désinfection des surfaces régulièrement touchées, et, surtout, obligation du port du masque dans l’ensemble des espaces de circulation, retirable une fois assis en salle. Si, les premiers jours, la fréquentation a donné quelques espoirs aux exploitants, de surcroit confrontés à une offre peu fournie en films porteurs, l’été a finalement été très compliqué pour l’immense majorité d’entre eux.
Selon le CNC, les cinémas français auraient ainsi vu, sur les mois de juillet et d’août 2020, leurs entrées fondre de 66,5% par rapport à l’été 2019 – soit, malgré tout, une résistance supérieure à la majorité des pays européens. D’où les difficultés économiques auxquelles sont aujourd’hui confrontés nombre d’exploitants, en attente de mesures concrètes après l’annonce du réarmement financier du CNC à hauteur de 165M€. La réglementation sanitaire s’est en outre renforcée puisque, depuis le 29 août, le port du masque est obligatoire à l’intérieur même des salles, en plus de la distanciation physique dans les zones de circulation active du virus.