Nadia, documentaire réalisé par Anissa Bonnefont, pose un regard neuf sur le statut des réfugiés à travers le portrait sensible de Nadia Nadim, footballeuse afghane, ambassadrice de l’UNESCO et bientôt diplômée en chirurgie. Myriam Weil, responsable des documentaires chez Federation Studios, retrace la genèse de ce film édifiant et les obstacles que l’héroïne et la production ont dû surmonter pour qu’il arrive jusqu’à nos écrans.
Unifrance : Le projet est né de votre rencontre avec Édith Chapin…
Myriam Weil : Edith Chapin est venue me voir fin août 2019, avec l’envie très forte d’écrire des documentaires autour de figures féminines du sport de haut niveau, et en particulier de Nadia Nadim. Je n’avais jamais entendu parler de cette footballeuse afghano-danoise qui venait de signer au PSG, et de son histoire, mais elle m’a tout de suite captivée. Un père tué par les talibans alors qu’elle avait 8 ans, la fuite vers l’Europe, et ce succès fulgurant dans le football…
La même semaine, Christelle Graillot, fondatrice de l’agence de management de talents L’Amepresario, m’a parlé d’Anissa Bonnefont, et de son premier documentaire qui allait sortir quelques semaines plus tard, Wonder Boy - Olivier Rousteing, né sous X. En voyant ce film, j’ai tout de suite senti que l’histoire de Nadia pouvait être le deuxième volet d’un diptyque (ou peut-être d’un triptyque, qui sait…) de cette jeune réalisatrice, construit autour de personnages très humains et inspirants, qui pansent des blessures familiales et les subliment…
Edith, Anissa et moi sommes allées rencontrer Nadia dans un petit café de Saint-Germain en Laye, où Nadia vivait à l’époque… Et Anissa, au fil de la conversation, a saisi le désir que Nadia avait de retourner pour la première fois en Afghanistan depuis l’assassinat de son père par les talibans, pour y retrouver ses médailles (il était colonel).
Christine Cauquelin, qui dirige les Documentaires de Canal +, avec Steeve Baumann, nous ont accompagnées dès la genèse du projet. Elle avait déjà fait confiance à Anissa pour Wonder Boy, elle soutient les réalisatrices et réalisateurs de talent et les producteurs et productrices qui les accompagnent dans leur processus créatif. Nous avons eu une liberté artistique et éditoriale totales ! C’est précieux !
En suivant Nadia Nadim, vous avez donc basculé dans deux mondes qui apparaissaient aux antipodes l’un de l’autre, l’exil et le football…
MW : Le football est un des sports les plus populaires du monde, il est associé au succès, à l’argent, aux paillettes, aux rêves de millions d’enfants… L’exil, à l’autre bout du spectre, est représenté dans les médias comme une abstraction, quelque chose qui arrive aux autres, dans des pays pauvres, à "des gens pas comme nous ". L’histoire de Nadia Nadim et de sa formidable famille – je pense en particulier à sa mère, Hamida, qui a dû tout reconstruire avec ces cinq fillettes – ce pourrait être notre histoire à tous ! L’arène si attrayante et divertissante du football était donc parfaite pour faire bouger les représentations sur une famille exilée.
La production du film semble avoir été une aventure en soi…
MW : Tous les producteurs ont dû vous le dire : être en mesure de tourner un documentaire, puis de le post-produire en période de Covid est un défi de chaque instant. Les règles changent d’un jour à l’autre, d’un pays à l’autre, tout est suspendu à l’éventuelle fermeture d’une frontière, à un test PCR positif… Et puis les stades étaient vides pour des raisons sanitaires, et les joueuses du PSG, dans des bulles sanitaires qu’il fallait respecter. Le club a fait le maximum pour nous ouvrir ses portes, malgré la situation sanitaire compliquée. J’en profite pour remercier notre productrice exécutive Céline André, qui a fait un travail remarquable !
Si vous ajoutez à la problématique du Covid celle du contexte afghan, vous obtenez une équation assez compliquée… Dès l’automne 2020, David Martinon, l’Ambassadeur de France à Kaboul, nous avait prévenues que la situation ne ferait que se dégrader, avec des attentats quotidiens, revendiqués tantôt par les talibans, tantôt par l’Etat Islamique… On le voit d’ailleurs le dire dans le film. Il avait évidemment raison, et il a fallu renoncer à partir, en particulier avec Nadia, qui est une personnalité publique, féministe, une sportive qui n’a pas peur de dire qu’elle déteste les talibans et que c’est réciproque !
Quel message souhaitiez-vous faire passer à travers ce film ? Auprès de quelle cible ?
MW : Il y en a plusieurs. D’abord, montrer une jeune femme inspirante qui véhicule des valeurs qu’on pense parfois incompatibles : Nadia est une sportive de haut niveau, féministe, moderne, bientôt chirurgienne (elle termine ses études de médecine), polyglotte, militante, ambassadrice de l’Unesco, musulmane, attachée à ses traditions… tout ça à la fois ! Car on peut être tout ça à la fois !
Et puis nous souhaitions montrer que les réfugiés ne sont pas des parasites. Ce sont des gens comme nous, qui bossent, ont des rêves, veulent le meilleur pour eux-mêmes et leurs enfants. Certains sont exceptionnels, comme Nadia. D’autres ont des parcours plus banals. Comme nous tous, en somme.
Le film dépasse même le cadre du simple programme audiovisuel…
MW : Nous avons construit, avec l’aide de notre partenaire et coproducteur Echo Studio, une campagne d’impact pilotée par Coline Aymard. L’idée est de changer de regard sur les réfugiés, et de leur permettre de s’intégrer le plus facilement, notamment en travaillant avec l’association Singa. Toutes les informations se trouvent sur nadia.lefilm.com. Nous avons aussi fait un partenariat avec l’Unesco.
Comment s’est passée la vente du programme à l’international ? Sa récente sélection aux International Emmy Awards vous a-t-elle ouvert de nouvelles portes ?
Nadia a été diffusé à l'automne 2021 par Canal+, quelques semaines seulement après la dramatique reprise de contrôle de l'Afghanistan par les talibans. Le film d'Anissa Bonnefont s'est retrouvé au cœur de l'actualité, le sort des femmes afghanes devenant une préoccupation mondiale.
HBOMax diffuse le film dans une dizaine de pays d'Asie. Al Jazeera, après avoir sélectionné le film dans le cadre du festival AJB DOC à Sarajevo en septembre 2022, l'a acheté pour le diffuser sur les territoires d'Al Jazeera Balkans. DR est notre partenaire "naturel" au Danemark (Nadia Nadim est danoise d'adoption), et SBS en Australie.
La nomination aux International Emmy Awards a évidemment remis un coup de projecteur sur le film, et nous recevons des demandes d'un peu partout, des Emirats aux Etats-Unis...
En parallèle, le film continue avec succès sa vie en festivals. Il a notamment été sélectionné au CPH:DOX à Copenhague, au Deauville Green Award, à l'American French Film Festival, au Paladino d’Oro Sport Film Festival, au Al Jazeera Balkans Doc, au Bilbao Think Football Film Festival et bien-sûr aux International Emmy Awards.
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