En 2021, le cinéma français affiche à l’international des valeurs globalement en hausse par rapport à l’année précédente bien qu’encore loin des standards d’avant pandémie. L’analyse des résultats révèle une cartographie de l’offre et des marchés très différente par rapport à 2020. En ce qui concerne les festivals, l'année 2021 est à marquer d'une pierre blanche pour la France.
En 2021, à l’exception des recettes qui fléchissent légèrement, les entrées, les films en exploitation et les sorties du cinéma français en salle à l’international sont plus élevés qu’en 2020. Si ces deux derniers indicateurs commencent progressivement à se rapprocher de ceux d’avant Covid-19, on ne peut pas en dire autant à propos du nombre de spectateurs qui se révèle deux fois inférieur à la moyenne de la décennie (40 millions, hors succès exceptionnels dépassant 10 millions d’entrées). À la fin de l’année, le secteur cinématographique est alors dans les conditions d’entamer une réelle reprise et, si l’offre commence à s’aligner avec le passé, l’enjeu porte sur les actions permettant la progression de la fréquentation en attirant le public en salle. Des signaux encourageants viennent du succès rencontré par certaines productions sur grand écran en 2021, prouvant la centralité de la salle dans le cycle d’exploitation d’un film. C’est tout particulièrement le retour des films de studios états-uniens qui tire la fréquentation mondiale vers le haut. Alors que leur absence en 2020 avait laissé une place vide qui avait profité aux autres cinématographies, dont la française, ils reviennent en force sur la scène internationale. Sans surprise, la part de marché française mondiale descend à 1,8 % des entrées et 2,2 % des recettes, en deçà des niveaux de 2020 (2,2 % et 3 %), mais au-dessus de ceux de 2019 (1,6 % et 2,1 %). Le box-office du cinéma français ne progresse pas autant que le mondial ou l’états-unien, mais il conserve sa place sur l’échiquier mondial.
Il est intéressant d’analyser comment se répartissent les spectateurs des films hexagonaux en fonction des titres et de leur provenance géographique. L’année 2020 voyait la domination des productions majoritairement françaises (69,4 % des entrées) et de celles en langue française (77,2 %), des comédies (32,8 %) et des marchés européens (70,1 %). L’année 2021 est caractérisée par des tendances complètement différentes. Les productions minoritaires génèrent un nombre d’entrées annuelles équivalent aux productions majoritaires, au point d’atteindre leur plus haut niveau de la décennie : 46,7 %, soit près de 1 entrée sur 2 (alors qu’elles en représentaient en moyenne 1 sur 5 depuis 2012). Les 3 films réunissant plus de 1 million de cinéphiles, The Father (22,5 % des entrées annuelles), Pinocchio et Bigfoot Family appartiennent à cette catégorie. En plus, à eux trois, ils concentrent un peu moins de la moitié du box-office de 2021. En ce qui concerne la langue, les films en langue étrangère dominent (53,7 % des entrées) avec la même emprise que lors des années marquées par un carton EuropaCorp, et ce grâce aux précités The Father et Pinocchio, et au Loup et le lion.
Si la répartition des entrées selon le genre voit son tiercé de tête confirmé (comédie, drame et animation), ce sont les équilibres en son sein qui changent. Pour la première fois depuis 10 ans, c’est le drame qui s’affirme comme le genre séduisant le plus de spectateurs à l’international, à hauteur de 1 sur 3 ! Là aussi, la présence de The Father dans ses rangs fait son effet. C’est une année noire pour la comédie, la moins riche en spectateurs de la décennie, et privée d’un titre millionnaire, tandis que l’animation perd du terrain tout en confortant une place plus importante que par le passé. S’ils fédèrent davantage de cinéphiles, l’aventure/policier/thriller et le fantastique/horreur/science-fiction ne renouent pas avec les saisons glorieuses récentes. Aucune production à gros budget à haut potentiel ne fait sensation sur grand écran : ce sont celles dites « du milieu » (entre 5 M€ et 10 M€) et celles au budget compris entre 10 M€ et 20 M€ qui tirent leur épingle du jeu (elles concentrent 3 entrées sur 4 du total).
On sait que le cinéma français est très lié aux marchés européens voisins. Pour la 6e année depuis 2012, c’est dans le Vieux Continent qu’il génère le plus grand volume d’entrées (56,3 %), mais le poids de la région se réduit de près de 14 points en un an, et l’Europe occidentale est la seule zone géographique où les spectateurs de films français baissent par rapport à 2020. Force est de constater que bon nombre de marchés-clés, par exemple l’allemand et l’italien, voient un retour en salle du public dans la deuxième moitié de l’année. En plus, aucune comédie à haut potentiel, genre qui a plus de mal à s’exporter hors Europe mais qui y réalise ses meilleures performances, n’est proposée. L’Afrique et Proche & Moyen-Orient, l’Amérique, l’Asie et l’Océanie sont donc les acteurs principaux de la hausse des entrées françaises à l’international (le prix moyen du billet y étant souvent plus bas qu’en Europe, ce qui explique, au contraire, la baisse des recettes globales), et ce grâce à des productions de financement… minoritaire. À l’exception de l’Océanie, l’histoire nous apprend que ce sont traditionnellement les productions en langue étrangère, notamment d’action et d’animation, qui se font une place sur ces marchés. En 2021, ce rôle revient à l’oscarisé The Father, au fantastique Pinocchio et à l’animé Bigfoot Family.
Il ne faut pas tirer des conclusions hâtives et négatives envers l’offre française et son potentiel. Premièrement, la cinématographie française est une des plus multiculturelles et tire profit de son identité et du nombre élevé de coproductions pour exister à l’international, sans oublier son offre diversifiée de genres. Deuxièmement, des productions majoritaires en langue française bâtissent des carrières solides en 2021 (par exemple Antoinette dans les Cévennes en Océanie, Titane en Amérique du Nord ou encore Les Trois Lascars en Afrique) et d’autres s’exportent sur plus de 30 marchés (Aline, Annette, Benedetta, Le Tour du monde en 80 jours et Titane). Troisièmement, la fermeture des salles françaises pendant plus de 6 mois entraîne une diminution de l’offre de nouveaux films dont la carrière à l’étranger a la spécificité de s’étaler parfois sur plus d’un an : Le Trésor du Petit Nicolas et Petite maman, à l’affiche des salles hexagonales en 2021, signeront leur meilleurs exploits en 2022, tandis que Qu'est-ce qu'on a tous fait au Bon Dieu ?, dont la sortie a été maintes fois repoussée, boostera les entrées tricolores sur les marchés européens. À tout ça s’ajoutent un patrimoine solide qui continue de défiler sur les écrans étrangers, une présence constante et ancrée au sein des festivals et un tissu de professionnels français œuvrant pour la création du cinéma français et sa diffusion et qui coopèrent avec les professionnels étrangers, dont de nombreux francophiles. L’avenir est certes incertain, mais le cinéma français ne baisse pas les bras et est toujours attendu par les cinéphiles à l’international.
Pour la troisième fois, le bilan annuel accueille une étude dédiée à la place des films français dans les festivals internationaux, souvent le lieu où la vie "commerciale" des films débute. En 2021, les organisateurs ont dû faire face aux réactions du secteur cinématographique et aux mesures adoptées par les gouvernements ; en plus, Cannes fait son grand retour après un an d’absence. L'année 2021 est une année à marquer d’une pierre blanche pour la France car elle occupe une place qui n’avait jamais été si importante au sein des 10 festivals ici étudiés pendant la dernière décennie. La cinématographie française est celle qui compte le plus de films sélectionnés (202, 1 sur 5), le plus de présentations (287, 1 sur 4) et le plus de prix gagnés (43) en 2021. À l’exception des 3 festivals américains, elle présente plus de films que les États-Unis dans 7 festivals et sa présence est particulièrement solide à Cannes, à Locarno et à Venise. Elle tire profit de l’augmentation du volume global de titres sélectionnés en 2021 (+95 en un an, dont 40 % sont produits par l’Hexagone) et d’une réduction de l’offre états-unienne. Ce leadership ne serait pas atteint et conservé au fil des années sans prendre en compte la nature multiculturelle de la cinématographie française, car 3 films sur 4 sont le fruit de la coproduction entre 2,5 pays en moyenne, pour un total de 75 pays étrangers partenaires. La France peut s’enorgueillir de deux résultats historiques en 2021. En premier lieu, le nombre d’œuvres tricolores signées par des réalisatrices augmente et atteint 33 % du total, s’alignant ainsi sur la moyenne globale toutes nationalités confondues. En deuxième lieu, elle remporte à la fois la Palme d’or et le Lion d’or, phénomène rare mais pas une première : ce qui rend unique cet exploit c’est que les gagnants, respectivement Titane et L'Événement, sont réalisés par deux femmes, Julia Ducournau et Audrey Diwan, qui écrivent ainsi l’histoire.
Les grands indicateurs des films français à l'international en 2021
En salle :
- 17,8 millions d'entrées et 113,3 millions d'euros de recettes.
- 9,5 millions d'entrées pour les productions majoritairement françaises et 8,2 millions pour celles en langue française.
- 940 films en exploitation et 1 889 nouvelles sorties.
- 3 films dépassant 1 million d'entrées et 32 100 000 entrées.
- L'Europe occidentale (6,7 millions) et la Chine (2,2 millions) sont respectivement la première zone géographique et le premier pays en nombre de spectateurs.
Dans les festivals internationaux* :
- 202 films français sélectionnés et 287 présentations.
- La France est le premier pays en nombre de films, de présentations et de prix remportés.
- 1 film français sur 3 est signé par une réalisatrice
- 1 Palme d'or, 1 Lion d'or et 41 autres prix officiels
* Les 10 festivals étudiés sont : Bafici, Berlin, Busan, Cannes, Locarno, Rotterdam, San Sebastián, Sundance, Toronto et Venise.
Depuis sa création en 1994, le bilan annuel d’Unifrance récolte et analyse les résultats des films français à l’international, et son contenu a évolué et s’est enrichi au fil des années. En 2021, avec l'élargissement du périmètre des études, le choix est fait de séparer le cinéma, les courts-métrages et les oeuvres XR, et l'audiovisuel afin de leur consacrer une publication ad hoc. Le bilan des films français à l'international se compose d'une analyse globale sur les résultats en salle, de 73 fiches pays (+3, dont une quinzaine enrichies d'une mini-fiche SVOD) et de l'analyse de leur présence au sein des festivals internationaux. Parmi toutes les cinématographies existantes, aucune ne peut se prévaloir d’un tel ouvrage, qui est unique en son genre.
Etude
Unifrance - Bilan cinéma 2021