Néfertiti, à la recherche du tombeau perdu, documentaire produit et distribué par l’INA, pour une diffusion française sur RMC Story, apporte un nouvel éclairage sur cette figure mythique de l’Egypte ancienne, et entend bien éveiller la curiosité des publics du monde entier.
Enora Contant, productrice du programme pour l’INA, et Elsa Lonne-Smith, chargée de développement international, nous expliquent l’importance des préventes pour le développement d’un projet de cette envergure et leur manière de travailler, intégrant une réflexion internationale dès l’écriture.
Unifrance : Comment avez-vous décidé de produire ce documentaire sur le mystère qui entoure la plus grande reine d’Egypte ?
Enora Contant : L’envie était présente depuis longtemps. En 2015, l'archéologue britannique Nicholas Reeves identifie ce qu’il pense être les traces de deux portes scellées dans la tombe de Toutankhamon. Selon lui, ces portes mèneraient à la tombe encore non découverte de Néfertiti. Cette annonce a soulevé un véritable débat dans la communauté scientifique mais aussi une vraie fascination du public pour ce sujet. Et de la productrice que je suis !
À ce moment-là, l’Egypte n’était pas dans les priorités des diffuseurs français avec lesquels je travaillais, mais cet intérêt s’est développé récemment, ce qui m’a permis de proposer ce projet… c’est un bon alignement des planètes ! Cent ans après la découverte par Howard Carter du tombeau de Toutankhamon, nous sommes prêts à nous "attaquer" à ce grand mystère du tombeau perdu de Néfertiti. Le film incarne l’ambition de l’INA de produire des programmes ambitieux et accessibles à un public large. Véritable chasse au trésor, cet unitaire de 70’ réalisé par Nicolas Brénéol et Olivier Carpentier, et décliné en 52’ pour le marché international, cherchera donc à résoudre l’énigme qui anime et divise les égyptologues du monde entier : la tombe de Toutankhamon dissimulerait-elle une autre sépulture, secrète et inviolée : celle de Néfertiti ?
Elsa Lonne-Smith : Les propositions autour de l’Egypte Antique ont toujours été nombreuses. À mon sens, il faut, pour se démarquer, avoir de nouvelles données à offrir, des révélations, des enquêtes qui permettent de réécrire l’Histoire grâce aux diverses avancées scientifiques qui viennent bouleverser nos connaissances. C’est le cas dans ce film. Et c’est aussi ce qui rend ce sujet universel…
Vous avez donc abordé ce sujet universel avec une vision internationale dès le départ, pouvez-vous nous parler des spécificités de l’écriture du projet ?
EC : Aujourd’hui, les jeunes téléspectateurs (15-20 ans) regardent des séries coréennes, américaines, françaises, sans distinction : les frontières ont été abolies dans le monde des contenus. Nous avons compris qu’il fallait s’adresser au public à travers des thématiques universelles : quêtes, mystères, énigmes à résoudre… Dans ce projet, le nœud narratif est celui de la quête d’un tombeau mais il nous emmène à découvrir qui était Néfertiti. C’est un aller-retour entre le l’Egypte Antique et le présent. Un trait d’union qui rend l’Histoire vivante !
Sur Néfertiti, à la recherche du tombeau perdu, nous mixons plusieurs ingrédients pour une immersion du spectateur dans un véritable cold case archéologique : tournage de séquences en Egypte en UHD pour des images exceptionnelles, modélisations 3D ultraréalistes, interviews des experts entourés de représentations de Néfertiti en hologrammes. La richesse visuelle du film est tout aussi importante que sa pertinence éditoriale.
Les interviews sont tournées dans les studios de l’INA à Bry-sur-Marne, en région Parisienne, qui est un pôle technologique important dans l’industrie audiovisuelle française. Nos moyens techniques internes et nos équipes d’infographie et effets visuels permettent aux réalisateurs de tester des procédés innovants… c’est une formidable cour de récréation pour eux car toutes leurs ambitions sont écoutées et testées.
Votre stratégie internationale ne se limite pas à une cible précise, il y a ici un potentiel pour toucher les publics du monde entier et de tous les âges ?
EC : Exactement, il s’agit de reprendre des codes communs à tous et de susciter la curiosité avec un sujet qui dépasse les frontières. Notre volonté est celle de créer un programme accessible, grand public, un véritable rendez-vous familial, offrant plusieurs niveaux de lecture selon l’âge. C’est le grand spectacle de l’Histoire qu’on propose ! Par ailleurs RMC est bien identifié à l’étranger en tant que "marque" de programmes factuels : Discovery, Mediaset, SBS, etc… savent que nous parlons la même langue qu’eux.
EC et ELS : L’histoire de Néfertiti… c’est un sujet qui nous anime particulièrement car nous sommes aussi sensibles au fait de revisiter l’Histoire sous une lecture plus féminine. Nous souhaitons rappeler que l’Histoire n’est jamais figée : le documentaire a la force d’offrir au grand public un nouveau point de vue sur ce qu’on a cru acquis pendant des siècles. L’Egypte Antique nous dit d’ailleurs qu’on pouvait être femme et chef d’Etat…
Nous produisons également en ce moment un documentaire sur Hatshepsout, une femme pharaon. À travers ces projets, nous sommes heureuses que les médias s’intéressent aujourd’hui aux femmes de notre Histoire. Les femmes, dans ce métier, ont certainement leur rôle à jouer dans la mise en lumière de ces destins parfois oubliés ou "effacés".
L’INA, en tant qu’organisme public, répond également à une mission d’éducation, de transmission d’un patrimoine…
EC : L’INA est, paradoxalement, plus identifié comme un producteur de contenus originaux par le marché international que par le marché français. Or l’INA produit depuis 40 ans du contenu original. L’écriture évolue et s’adapte avec le temps et les usages, nous avons suivi cette évolution dans notre offre et cela nous permet aujourd’hui d’accéder à de nouveaux diffuseurs.
Ce qui n’a jamais changé, c’est notre volonté d’offrir des programmes pertinents. Nous nous devons d’une obligation de vérification : tous les scénarios sont relus et validés par des historiens, chercheurs et scientifiques. Car même si le récit est mis en scène, les informations qu’on délivre doivent être justes.
ELS : Dans toutes ses formes de productions, l'INA cultive une rigueur absolue. L'INA travaille ainsi de manière ouverte avec des experts, notamment scientifiques, pour multiplier les regards et garantir la rigueur des propos. Cette méthodologie de travail et de vérification des faits apportés au récit est adaptée aux demandes des diffuseurs de contenus à l’international.
Vous êtes allés tourner en Egypte et avez rencontré les plus grands égyptologues, comment cela s’est-il passé ? Vous êtes-vous heurtés à des difficultés ?
EC : Les réalisateurs sont allés chercher les plus grands experts de Néfertiti… non seulement des experts français, mais aussi égyptiens ou anglais : l’ambition est de travailler avec les meilleurs. Et ce n’est pas une grande difficulté de nouer des contacts avec cette communauté quand votre approche est sérieuse.
Les difficultés se situent plutôt sur les contraintes de tournage et d’accessibilité aux sites mais nous entretenons de bonnes relations avec l’Ambassade et l’Office du Tourisme d’Egypte en France et cela nous aide beaucoup dans l’organisation. Il faut un temps d’adaptation aux process pour tourner en Egypte du côté des équipes de production. Nous avons une unité de choc au sein des équipes de production à l’INA qui maîtrise aujourd’hui ce territoire et gère parfaitement l’organisation des tournages.
ELS : Les réalisateurs avaient une idée très précise d’où ils voulaient aller pour réaliser un grand projet de divertissement pour le marché international : une réalisation dynamique, une narration proche du thriller, une construction du scenario avec une vraie progression dramatique… C’est très enrichissant de pouvoir travailler avec les réalisateurs pour me nourrir de leur vision. C’est cet échange qui me permet ensuite d’être la meilleure ambassadrice du projet auprès des diffuseurs lors de la recherche de préventes et ventes. Car un projet ambitieux tel que Néfertiti, à la recherche du tombeau perdu nécessite l’accompagnement de diffuseurs de tous pays. Chaque chaîne a sa place sur ce programme et nous recherchons encore des financements.
RMC vous a accordé une totale confiance, avez-vous été rejoints par d’autres partenaires, notamment internationaux ? Quelles sont vos ambitions de ce côté ?
ELS : Le projet vient tout juste d’être proposé à nos partenaires à l’international. Les premières images ont été dévoilées au MIPCOM 2022 et les premiers retours sont très positifs ! Nous avons déjà reçu plusieurs propositions venant du Moyen-Orient, d’Europe de l’Est, et d’Océanie, ainsi que des intérêts marqués aux Etats-Unis.
EC : Notre stratégie de distribution est la même pour chaque projet : nous avons besoin de tisser des partenariats très tôt dans la production. Les réalisateurs travaillent très tôt sur un trailer, sur les pré-entretiens avec les experts, les accès et sur les premières modélisations 3D, qui vont aider à pitcher le programme, à rendre concrète la substance du film. C’est un investissement du producteur qui est assez important car il intervient dès la phase de développement, souvent avant tout engagement d’un diffuseur. Mais c’est essentiel pour donner de l’ambition au projet. Dans un marché hyper concurrentiel, nous devons être visibles et nous démarquer très vite.
Ce projet s’inscrit dans un cycle plus large, pouvez-vous nous en dire davantage sur vos projets futurs et la stratégie de l’INA pour la distribution internationale de ses productions ?
EC et ELS : Dans cette typologie de programmes « Factuals », nous sommes en préparation pour 2023 de projets unitaires.
Outre la thématique « Enquêtes / Mystère », qui comprendra notamment Néfertiti, à la recherche du tombeau perdu et "Hatshepsout, le mystère de la Reine Pharaon", nous développons des titres dans les thématiques « Mégastructures » et « Guerres et Société ». Dans une réflexion adaptée à chaque titre, nous pouvons être amenés à travailler avec des distributeurs indépendants pour leur expertise sur certaines thématiques. Nous avons ainsi signé une collaboration avec plusieurs distributeurs français et internationaux (Lukarn, Kwanza, Lucky You et Off the fence).
ELS : Notre ambition est de continuer à développer des partenariats et à proposer notre catalogue aux diffuseurs et plateformes du monde entier. Pour ce faire, nous étions présents aux grands rendez-vous que sont le World Congress of Science and Factual Producers (Glasgow) et l’ATF (Singapour), et nous serons aux Rendez-vous d'Unifrance à Paris en janvier 2023.