À travers le récit de viols commis entre les années 1980 et 2018, ce true crime réalisé par Jean-Xavier De Lestrade dépeint l’évolution du regard de la société sur les violences sexuelles et la parole des victimes. Matthieu Belghiti, producteur de la série chez What's Up Films, et Guillaume Pommier, co-directeur de la distribution (EN : Co-Head of Distribution) chez Federation Studios, nous expliquent pourquoi ils ont choisi de porter ce projet à la portée universelle.
Unifrance : Comment est née l’idée de ce projet ?
Matthieu Belghiti : Au départ, le projet vient d’un travail d’investigation extrêmement fouillé d'Alice Géraud, journaliste de formation et co-scénariste de la série.
Cette histoire de violeur en série arrêté au bout de trente ans, alors qu'il sévissait sur un petit bout de territoire, était totalement méconnue. Elle me paraissait hallucinante et éloquente de la façon dont notre société a traité les violences sexuelles ces dernières années. Tout de suite, avec mon associé et réalisateur Jean-Xavier De Lestrade, nous nous sommes dit que nous devions l'adapter. C’est un projet qui s’inscrit parfaitement dans notre ADN de producteurs à la fois de documentaires et de fictions. En nous servant du réel, du vécu, de l'enquête, nous aimons nous engager sur des projets qui soulèvent des questions majeures de notre temps.
Quel est le pitch de la série, en quelques phrases ?
MB : Sambre est une libre adaptation de ce fait divers du « violeur de la Sambre ». Pour structurer un récit qui s’est tendu sur 30 ans, nous avons décidé de partis pris de fiction forts : en suivant plus particulièrement un personnage, donc un point de vue par épisode, avec à chaque fois des ellipses franches. Celui de la première victime dans le premier épisode, d’une jeune juge qui essaie de faire bouger les choses dans le second, d’une maire d’une petite ville confrontée à l’inertie politique... d'une scientifique, d'un officier de police, jusqu'au au violeur au moment de son arrestation.
Aussi, nous souhaitions que le spectateur soit mis dans une forme de tension constante. Dès le premier épisode, il connaît l’identité du violeur. Alors que les personnages de la série ne cessent de s’en approcher, sans arriver à l’attraper.
Comment est-ce que cette série entre en résonnance avec son public ? Et, particulièrement, le public international ?
MB : Le « true crime » est un genre dont le public est extrêmement friand. C’est un genre que nous avons exploré de très nombreuses fois et que nous aimons beaucoup, et qui est passionnant quand il dépasse le simple récit du fait divers, qu'il raconte quelque chose de ce que nous sommes en tant qu'individus, en tant que citoyens du monde. Et parce que c’est une histoire vraie, Sambre touche le public avec une dimension exemplaire qui lui donne une force tragique, à la portée symbolique d’une très grande puissance. Le retentissement universel de #metoo (comme un symbole, le violeur de la Sambre est arrêté la même année) montre que la délinquance sexuelle est un fléau totalement universel. Et nous nous sommes attachés à ce que les enjeux et conflits de nos personnages soient visibles par un public bien plus large que le public français.
En tant que distributeur, qu’est-ce qui vous a intéressé dans le projet Sambre ?
Guillaume Pommier : Nous travaillions déjà avec Matthieu Belghiti et sa société de production What's Up Films sur la série documentaire La Secte et nous avions très envie de nous associer sur un projet de fiction. Quand Matthieu nous a présenté Sambre, avec son réalisateur et associé Jean-Xavier de Lestrade, cela nous a tout de suite intéressés, car nous avions déjà été séduits par la qualité de ses productions précédentes : Laëtitia, Jeux d’Influence ou The Staircase. Nous étions très heureux de pouvoir nous associer, à la fois en tant que co-producteurs et en tant que distributeur.
Mais au-delà de l’envie de travailler ensemble, c’est la série en elle-même qui nous a captivés. L’histoire est prenante, haletante, tout en étant vertigineuse tant le fait divers dont elle est issue est affreux. Elle traite de problématiques malheureusement universelles avec un traitement et un propos sensibles et subtils : la parole des femmes, la représentation et la définition du viol, l’évolution de la société sur ces questions au cours des trente dernières années… Nous sommes très fiers de participer à ce projet.
Et pour conclure sur ce point, l’engagement de France Télévisions, pour qui la série sera un très gros lancement l’année prochaine, la case de prime à laquelle ils la destinent nous ont confortés dans notre décision.
Vous avez présenté la série lors de la session de pitchs du Coming Next from France, qui a eu lieu pendant le Series Mania Forum. Quelles sont vos impressions après cette session ? Avez-vous des premières pistes pour l’export de la série ?
GP : Pour nous, le Coming Next était un très bel écrin pour la série, c’est toujours une très belle opportunité de pouvoir ainsi pitcher le projet devant un parterre d’acheteurs et de partenaires.
C’est aussi extrêmement constructif de pouvoir découvrir les séries de nos confrères et d’échanger avec les autres producteurs et distributeurs venus défendre leurs projets, en toute bienveillance et amitié.
Côté export, les retours ont été immédiats et variés, de la part de différents territoires et de plateformes. Nous avons déjà quelques clients intéressés et des discussions sont en cours, certaines très avancées… nous en saurons plus d’ici le MIPCOM !