La série Parlement, satire politique bienveillante située dans l’univers des institutions européennes, a déjà séduit de nombreux publics étrangers, de l’Allemagne jusqu’aux Etats-Unis et à l’Asie. Les deux premiers épisodes de la saison 3, dont la diffusion en France est prévue dès le vendredi 29 septembre, ont été projetés en avant-première lors des Rendez-vous d'Unifrance à Biarritz. Fabienne Servan-Schreiber, productrice de la série chez Cinétévé, et Julia Schulte, directrice des ventes internationales chez France tv distribution, nous racontent la genèse du projet ainsi que les singularités de la série et de cette nouvelle saison.
Unifrance : Comment la série Parlement a-t-elle vu le jour ?
Fabienne Servan-Schreiber : Parlement est née d'une envie de mieux faire connaitre le Parlement européen au grand public. Les institutions européennes sont lointaines et décriées, les élections européennes sont marquées par un taux d’abstention record, alors les parlementaires travaillent beaucoup dans un contexte difficile – il s’agit de mettre 27 pays d’accord ! – et en même temps passionnant. C’est d’autant plus important de comprendre l’institution que beaucoup d’aspects de notre vie désormais dépendent de décisions prises à Bruxelles ou à Strasbourg.
J’ai vécu avec un parlementaire européen, Henri Weber, et le voyant travailler, voyager, discuter, négocier, je me suis dit que la fiction et surtout la comédie pouvait familiariser le grand public avec les institutions européennes, et que c’était œuvre utile. Ensuite, j’ai eu la chance de trouver Noé Debré qui a tout de suite partagé mon enthousiasme.
Noé Debré a en effet passé toute sa jeunesse à Strasbourg. Et depuis qu’il écrit, il a en lui le désir de faire du Parlement européen le décor actif d’une de ses fictions. S’en servir comme d’un théâtre pour y faire évoluer des personnages hauts en couleur, et raconter aux jeunes l’Europe et la difficile construction de sa démocratie collective. Ces jeunes qui ont, pour une partie d’entre eux, grandi avec Erasmus et les vols low costs qui ont élargi leur univers.
En quoi cette 3e saison se distingue-t-elle des précédentes, quelles nouveautés offre-t-elle ?
Fabienne Servan-Schreiber : La première saison de Parlement racontait l’histoire de Samy, venu au Parlement européen par hasard, qui allait finir par s’engager jusqu’à tout donner pour une cause dont il ignorait tout à son arrivée. Dans la deuxième saison, nous retrouvions Samy, plus aguerri, qui allait devoir apprendre à faire des compromis sans se compromettre. La troisième saison traite de la redoutable question du cynisme en politique. Alors que les saisons 1 et 2 mettaient en scène le Parlement, la saison 3 monte d’un cran dans la découverte des arcanes de l’Union, et raconte les dessous des affrontements entre institutions, les batailles légales et administratives entre la Commission et le Parlement, et les coups bas politiques qui les accompagnent, bien sûr.
La saison 3 donne une plus large part encore aux personnages allemands - là, nous ne sommes plus dans la fiction !
Quels ont été les principaux défis à surmonter pour monter ce projet, notamment pour avoir accès à l’univers parlementaire ?
Fabienne Servan-Schreiber : Nous avons dû jongler avec le calendrier très strict du Parlement puisque nous ne pouvions tourner qu’en dehors des sessions parlementaires ; mais nous avons bénéficié d’un accueil formidable des équipes de Strasbourg, ce qui a grandement facilité la gestion de ces contraintes.
Il reste que la contrainte du temps de tournage est forte puisqu’il n’est pas possible de déborder du plan de travail établi.
La contrainte budgétaire est aussi très présente, comme pour de nombreux programmes de Slash, même si France Télévisions a augmenté son apport, car produire pour le numérique ne coûte pas moins cher que pour l’antenne. Heureusement que notre coproducteur allemand est là, sans lequel Parlement ne pourrait pas exister.
Comment expliquez-vous le succès de Parlement en France mais également à l’international, en particulier auprès de nos voisins d'outre-Rhin ?
Fabienne Servan-Schreiber : L’Allemagne est au cœur de l’Union européenne, et les Allemands nourrissent (peut-être ?) moins de préjugés contre l’Europe que les Français, pour lesquels cela fait partie de la culture nationale. Notre partenaire allemand a su aussi, dès la première saison, lancer la série avec un casting très populaire outre-Rhin, ce qui a tout de suite donné de la visibilité à la série. De plus, la série n’est pas seulement diffusée sur le numérique, comme cela a été le cas en France ; l’action de promotion qui accompagne la diffusion est de ce fait plus intense également.
Julia Schulte : Parlement est une satire politique européenne qui traite de la bureaucratie, des clichés et des différences culturelles avec finesse et bienveillance. Noé Debré a réussi le pari de créer des personnages à la fois décalés, authentiques et très attachants, en jouant avec les préjugés qui divisent les Européens. La série dépeint brillamment la complexité de la politique européenne, ainsi que tout ce qui nous sépare de nos voisins, autant que ce qui nous réunit.
La série s’adresse à tous les types d’audiences des pays européens et même à des publics au-delà des frontières de notre continent, car elle présente une multitude de personnages et de points de vue. Aujourd’hui, plus que jamais, Parlement devrait être programmée par les diffuseurs européens car elle éveille une vraie conscience politique, tout en étant une série extrêmement divertissante. En Allemagne, la série a été récemment achetée par Netflix qui va diffuser la saison 1 en même temps que l’ARD (la télévision publique allemande). La série rencontre donc un beau succès auprès de publics assez divers.
L’ARD a rejoint le projet dès le départ, comme partenaire coproducteur, et a participé au casting des personnages allemands tels que Ingeborg dans la première saison, par exemple, ce qui a ajouté beaucoup d’authenticité et une forte portée internationale à la série.
Le sujet est très spécifiquement européen, cela rend-il plus difficile l’export de la série au-delà des frontières de notre continent ?
Julia Schulte : Le fait que Topic, la plateforme SVOD nord-américaine, ait été l’un des premiers partenaires à l’international à avoir acheté la série, et même pré-acheté la saison 2, prouve que Parlement présente un intérêt indéniable pour des publics en dehors de l’Europe. Pour le public américain, Parlement est une satire politique brillante, comparable à des séries à succès comme Veep, par exemple, et ceci indépendamment du fait que la série se déroule à Bruxelles. Il y a une approche très universelle dans la manière dont la série traite de la bureaucratie, des dysfonctionnements des institutions politiques et de l’irrationalité de ces organisations parfois. Par ailleurs, la série a été vendue également au Canada et jusqu’en Asie !
Quelles sont vos ambitions pour la suite du parcours international de la série ? Ciblez-vous des territoires en particulier ?
Julia Schulte : A l’échelle européenne, nous espérons que l’Italie, par exemple, où la série a récemment été sélectionnée pour le Prix Italia sera séduite par les aventures de Samy, tout comme le Royaume-Uni. Mais notre ambition est, bien entendu, de continuer à faire voyager Parlement dans le monde entier !