Le documentaire Wibaux Wanted raconte l’incroyable histoire de Pierre Wibaux, roubaisien émigré aux États-Unis en 1883, à travers les lettres qu’il avait adressées à son frère. Au-delà de récit du destin de son ancêtre, le réalisateur Loïc Wibaux invite à découvrir tout un pan de l’histoire des Etats-Unis et de ses pionniers. Gini Lorin, distributrice internationale du programme chez Script Line, nous raconte comment le projet a réussi à traverser l’Atlantique pour se faire une place sur la chaîne américaine PBS, et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Unifrance : Dans ce documentaire, Loïc Wibaux restitue l’histoire hors du commun de son ancêtre, ‘cowboy’ du Grand Ouest américain. C’est une véritable histoire familiale…
Gini Lorin : L’idée du film est née de la curiosité du fils du réalisateur, âgé de 10 ans, qui avait entendu parler d’un cowboy dans la famille. Wibaux Wanted est la promesse faite par le réalisateur à son fils de retracer et filmer l’histoire de leur ancêtre, Pierre Wibaux. Il a commencé à faire des recherches et a appris l’existence de 350 lettres écrites par Pierre Wibaux à son frère resté dans le nord de la France, à Roubaix. Ces lettres ont une calligraphie exceptionnelle.
Ces lettres racontent sa vie, son installation, ses difficultés, ses doutes, ses questionnements. Elles constituent une mine d’or d’informations et la trame du projet, trame construite avec la productrice Chloé Guilbert, d’Artisans du Film. Nous partons donc sur les traces de l’histoire d’un entrepreneur que l’on appellerait aujourd’hui un serial entrepreneur puisqu’en plus d’être l’un des plus grands éleveurs de bétail des États-Unis, il a acheté une mine d’or (la Clover Leaf Gold Mine dans le Dakota du Sud) et a ouvert une banque à Miles City dans un immeuble baptisé le Wibaux building.
Des billets de banque en dollars ont été signés par Pierre Wibaux, ce qui est totalement exceptionnel pour un Français. Mais cette histoire dépasse la légende familiale car il s'agit de la réussite rarement égalée d'un français aux États-Unis. C'est aussi un exemple d'investissement de grande famille d'industriels française aux États-Unis.
Le film est également un road-movie qui raconte l’histoire et les traditions d’une région entière des États-Unis…
Loïc Wibaux : C’est un voyage sur les traces de cet ancêtre, pionnier de l’Ouest américain, embarqué sur le Servia à Liverpool, le 21 avril 1883. Il y a un aspect road-movie avec de grands paysages américains, la découverte des lieux où Pierre Wibaux a vécu, le musée dans lequel apparaît son effigie et la statue érigée en son honneur. Le film montre aussi ce qu’était son métier notamment d’éleveur de bétail avec ces traditions de cowboys toujours très ancrées aujourd’hui. Il a œuvré au changement de nom de la ville de Mingusville devenue Wibaux, à l’est du Montana. Le comté porte également le nom de Wibaux. Le nom de Roubaix a été donné au Comté de Lawrence dans le Middle-West (Dakota du Sud) en l’honneur de Pierre Wibaux, lieu où se trouvent les ruines de la mine Clover Leaf qu’il a rachetée en 1899. Il a été l’un des plus grands cattle ranger des États-Unis avec 65 000 bêtes.
GL : Il a choisi ce destin et a poursuivi ce chemin délibérément, malgré des périodes très difficiles : son premier hiver a décimé une grande partie de ses troupeaux, il a connu des revers de fortune, a subi des menaces de mort et des vols de bétail. Après l’enthousiasme des débuts, sont parfois venus les doutes et la nostalgie des siens.
Tous les ingrédients semblent réunis pour toucher le public américain ?
LW : C’est un film régional, tourné dans le Montana. Le mythe du cowboy est fondateur du rêve américain et il a essaimé dans le monde entier. Ce film donne une autre approche que celle d'Hollywood : ici on est dans la réalité, l'histoire est vécue de l'intérieur. Les communautés qui existent aujourd'hui dans ces régions ont été établies à l'époque de la conquête de l'Ouest et les Américains sont avides de connaître l'histoire des pionniers car ils sont très attachés à leurs racines européennes. Pierre Wibaux était devenu ami avec Roosevelt. Ils étaient voisins, arrivés à la même époque et au même âge. Roosevelt est l'une des figures présentes sur le Mont Rushmore et l'un des présidents préférés des Américains.
Il y a une vraie portée historique : le film sera utilisé à des fins pédagogiques, avec un côté patrimonial. Il y a aussi une interview de Mike Archdale, professeur d’histoire passionné par l’histoire des pionniers tels que Pierre Wibaux.
Pour les mêmes raisons, le film a également tous les ingrédients pour intéresser un large public français et européen. Il permet de mieux comprendre qui sont ces descendants de pionniers, que l'on connait finalement assez mal chez nous. La vente aux États-Unis devrait attirer l'attention de nouveaux diffuseurs en France. C’est une invitation au voyage.
Gini, comment avez-vous décidé de rejoindre ce projet pour la distribution internationale, qu’est-ce qui vous a séduite dans ce documentaire ?
GL : Mon intérêt a été capté dès les premières secondes du trailer par la musique et les images qui évoquent le Grand Ouest américain que j’ai eu la chance de découvrir il y a quelques années. Le film embarque immédiatement le spectateur vers un récit inattendu, porté par des paysages mythiques. Il y a une émotion qui se dégage de cette quête universelle des racines familiales, en remontant les traces du passé. Puis, il y a une fascination pour le personnage central qui incarne véritablement ce qu’est le rêve américain. Ce n’est plus un concept, le film nous offre la possibilité de suivre ce parcours au plus près. C’est un magnifique exemple de success-story entrepreneuriale. Le fait d’écrire des lettres à son frère lui a permis de se confier sur l’envers du décor : derrière cette vie loin des siens se cache parfois la nostalgie du pays. Avec des pensées pour leur père. Et puis, c’est le parcours de toute une vie d’adulte, avec une dernière lettre qui fait le bilan de tout ce vécu. Chaque spectateur trouvera une invitation à la réflexion, selon sa propre histoire. Il est aussi fascinant de suivre la façon dont le personnage a construit sa légende, son sens de la communication, pour laisser des traces indélébiles de son passage.
Il y avait de façon évidente une portée internationale et toutes les cartes en main pour vendre le film hors de France. Le tournage n’était pas encore bouclé quand je suis arrivée, il restait une dernière partie qui a été finalisée au printemps 2022 dans le Montana.
Vous avez convaincu PBS et avez réussi à porter le film sur les écrans américains, ce qui est chose rare. Comment cela s’est-il passé ?
GL : Effectivement, PBS est une chaîne exigeante. J’avais une version américaine du trailer pour démarcher. J’ai cru en la qualité du film et j’ai donc persévéré pour mener à bien toutes les étapes de la vente. Nous avons dû ajouter une voice over en anglais sur les interviews réalisées en français, et Loïc Wibaux a trouvé le casting parfait. Avec la productrice, nous avions la crainte d’un accent trop britannique mais mon acheteur a approuvé immédiatement la direction et la qualité de la voix. L’aspect patrimonial a joué très favorablement. La forte volonté du réalisateur pour que cette vente se réalise était une motivation supplémentaire.
LW : Et ce n'est pas terminé !
La première diffusion sur PBS a eu lieu le 9 septembre, avez-vous eu des premiers retours ? Quelle est votre stratégie pour la suite ?
GL : PBS a déployé une importante campagne 10 jours avant la première diffusion. La diffusion linéaire a démarré le 4 septembre sur PBS - HD qui est la chaine principale destinée à une large audience. À partir du 9 septembre, la diffusion s’est élargie à PBS - WORLD, chaîne destinée à un public adulte qui propose de l’investigation et des documentaires, dont des biographies. Le catalogue des diffusions de septembre 2023, qui fait 32 pages, fait ressortir Wibaux Wanted en haut de couverture, ce qui montre à quel point le film est apprécié. PBS était la chaîne parfaite pour une première diffusion à l’international. Le Canada et l’Australie sont également des territoires déjà prospectés, avec un premier intérêt canadien. Une rencontre avec PBS New York est prévue au MIPCOM.
Quels sont les futurs projets de Script Line ?
GL : Après ce premier accord avec PBS, Script Line proposera un nouveau projet à la chaîne américaine. Le réalisateur Loïc Wibaux a la volonté de s’intéresser aux natifs du continent, les amérindiens Lakota, pour avoir une autre vision de la même époque. Le film sera bien sûr encore produit par Chloé Guilbert d'Artisans du Film.
Script Line s’est aussi rapprochée de PBS Thirteen pour un autre documentaire produit en Occitanie, actuellement en pré-production, qui sera tourné en grande partie à New York et qui a déjà un diffuseur régional français. Elle s’est aussi positionnée sur un 80 x 3’ qui sera tourné sur plusieurs continents, "Le tour du monde en 80 minorités" avec un duo de réalisateurs de la région Occitanie.
Script Line est présente sur des sujets environnementaux avec la distribution de plusieurs documentaires sur ce sujet. Objectif 2050, produit par PVS Company et réalisé par Marc Augey, sera diffusé d’ici peu sur TV Monaco. Le film alerte sur le réchauffement climatique dans les Alpes par le regard de deux guides de haute montagne.
L’impact est très présent dans la ligne éditoriale avec une acquisition premium toute récente, sur certains territoires, sur un sujet fort autour des océans, avec des images à couper le souffle. Et une collection sur des ONG locales avec un pilote tourné en Tanzanie par Laureline Amanieux et Bekaï Hebib, "L’Escouade du cœur en Tanzanie". Une magnifique initiative portée par Heart Squad, l’ONG fondée par Bekaï Hebib qui vient en soutien, notamment aux femmes, qui œuvrent pour la préservation de la planète et de tous ceux qui l'habitent.
Au niveau de la production documentaire, la société travaille avec le réalisateur Romain Vaudaux, sur un 52’ dont le titre est "TEMPO!", une création artistique entre des chorégraphes et des personnes en situation de handicap. Côté production fiction, plusieurs séries sont en développement. True crime, espionnage, géopolitique, sujets sociétaux et historiques, tous ces thèmes sont au cœur de l’éditorial, avec des rendez-vous pris au MIPCOM. Un rendez-vous est également prévu à Cannes avec une productrice chinoise pour une adaptation de format. Il s’agit d’un thriller addictif, entre amnésie, usurpation d’identité et manipulation.