Les séries de fiction françaises Candice Renoir et HPI ont trouvé leur place auprès du public espagnol puis latino-américain. À quelques jours du MIP Cancun, Nadia Chevallard, directrice des ventes internationales chez Newen Connect, nous raconte le parcours respectif de ces deux séries et le travail mis en œuvre pour leur permettre de trouver leur place sur ce marché encore compliqué pour la fiction française.
Elle dévoile également les dernières nouveautés lancées par Newen Connect lors du MIPCOM.
Unifrance : Candice Renoir a d’abord été un énorme succès en Espagne, avant d’arriver jusqu’en Amérique latine…
Nadia Chevallard : L’Amérique latine est un marché encore compliqué pour la fiction française. Pour nous, l’aventure a démarré en 2017 avec Candice Renoir. Ce qui a été un travail de longue haleine. La série a été achetée à partir de la saison 3 par le groupe Sony en Espagne pour la chaîne payante AXN, qui réunit de nombreuses franchises américaines comme Chicago Fire ou Castle. Le directeur de la programmation de l’époque, Carlos Herrán, avait la conviction que Candice Renoir avait une place légitime en grille au côté de ces franchises américaines. Quand nous avons échangé autour de la série, il m’a dit qu’il y voyait un réel potentiel pour l’Espagne. Il a eu envie de tester quelque chose qui n’avait jamais été fait : une programmation quotidienne, du lundi au jeudi, soit 4 épisodes par semaine, en prime-time ! J’ai dit à Carlos que c’était un très beau pari et un signal fort de confiance en cette série. Au-delà de la dimension économique, il y avait de leur part un engagement fort sur la promotion et le marketing. Les équipes marketing de Sony sont d'ailleurs venues deux jours sur le tournage à Sète pour préparer le lancement, rencontrer la production et les talents. Quand la série a été diffusée, nous avons eu un moment de doute. Sur la première semaine de diffusion, les audiences ne décollaient pas. Heureusement, les équipes de Sony ont maintenu la série en grille et dès la 2e semaine de diffusion le public a répondu présent à ce rendez-vous quotidien. La série a rencontré un énorme succès en Espagne !
Ce succès en Espagne vous a ouvert des portes et la confiance du groupe Sony…
Il était clair que la prochaine étape était l'Amérique latine, et Sony Latam nous paraissait le partenaire le plus évident dans la région. Je connaissais les équipes, nous nous rencontrions régulièrement lors de marchés, notamment au NATPE à Miami ou au MIPCOM. Ils commençaient à réfléchir à Candice Renoir, mais ils n’étaient pas tout à fait prêts. Nous avons bénéficié du cercle vertueux d’une collaboration très solide sur un territoire de langue hispanique européen, et d’un travail qualitatif d’accompagnement. Les équipes programmation et acquisition en Amérique latine ont en effet pu être nourries de données et d'audiences produites par le département Research & marketing en Espagne.
Au NATPE Miami, j’ai revu les équipes pour voir comment nous pouvions opérer. J’ai eu un moment de doute, il y a toujours des cycles dans cette industrie et un "non" aujourd’hui peut être un "oui" demain. Ils aimaient la série, mais le public sud-américain est très hétérogène, et nous étions très loin des propositions des séries américaines auxquelles ce public est habitué. Il y a une telle disparité de publics, de sensibilités et de cultures, on voit ce continent comme un espèce de bloc, mais il ne l’est pas.
Ils nous ont demandé l’autorisation d’organiser un test auprès d’un panel. En testant le promo et deux épisodes. Ce n’est pas toujours facile de donner un accord pour faire un panel testing. Mais à ce moment-là je savais que, sans testing, la possibilité de transformer l’essai, en tout cas rapidement, était compromise. J’ai obtenu l’accord de mon management et le testing a pu être organisé. Le résultat a été très positif ! Deux autres séries, américaines et dont les titres sont restés confidentiels, étaient testées avec Candice Renoir. Et c’est Candice Renoir qui est arrivée en tête dans les retours qualitatifs. De là, nous avons signé un premier accord de partenariat pour la chaîne AXN dans 40 pays, y compris le Brésil. La chaîne a fait créer un doublage en espagnol neutre et un autre en brésilien. L’aventure Candice Renoir en Amérique latine a donc pu commencer. Aujourd’hui, AXN s'est engagée sur les 10 saisons ainsi que sur les unitaires 90' évènementiels produits pour France 2.
L’aventure latino-américaine s’est rapidement poursuivie avec HPI…
Nous avons eu l'opportunité d'engager un partenariat avec un autre player Pan en Amérique latine grâce à HPI, à savoir avec le groupe A&E pour Lifetime. Je pense que le succès de Candice Renoir ne leur a pas échappé. Nous avions déjà eu quelques prises de contact mais il nous manquait la bonne série, le bon timing, pour essayer d’armer un premier accord ensemble. Quand HPI s’est présentée, ils ont été immédiatement partants pour être partenaires sur la franchise. La série marche très bien, ils se sont engagés sur les 3 premières saisons. Ce sont deux très beaux succès sur des marchés où il est assez difficile pour la fiction française de trouver des partenaires et d'installer des succès dans la durée.
Quelles sont vos ambitions futures sur ce marché ?
Aujourd’hui, nous entrons dans une seconde étape, et un nouveau challenge, qui nous anime et nous amuse beaucoup. Le Pan est une chose, mais nous essayons désormais de voir dans quelle mesure nous pouvons vendre en linéaire. Nous travaillons sur le sujet depuis un an et demi maintenant, et n’avons pas encore atterri. Mais la prochaine étape est de trouver des partenaires sur le linéaire, ou une plateforme SVOD, en priorité au Mexique ou au Brésil, mais aussi en Colombie, en Argentine ou au Chili. Que ce soit pour Candice Renoir, HPI ou pour nos nouvelles séries procédurales TF1 lancées au MIPCOM !
Au-delà de trouver une exposition linéaire pour ces séries, nous aimerions aussi réarmer les ventes de séries limitées en Amérique latine. Pour ce faire, nous attendons beaucoup des acteurs du digital dans la région et de ce qui se passe en Europe sur des marchés un peu plus proches de chez nous.
Vous avez annoncé de nombreuses nouveautés au MIPCOM, quelles sont ces nouvelles séries procédurales que vous venez de lancer ?
Nous avons lancé Mercato (Law & Disorder) (8x52’), la nouvelle production d’Itinéraire Productions, les producteurs d’HPI, pour TF1. Une comédie d’action fraîche et percutante portée par un duo d’enquêteurs aux antipodes, Nora, instinctive et impulsive, et Thomas, rigoureux et empathique, fraîchement débarqué de Paris à Marseille. Mercato est une combinaison parfaite d’adrénaline, d’action et d’humour. Nous avons dévoilé le promo au marché international à l’occasion du MIPCOM, la série est très attendue.
Nous avons aussi annoncé une superbe série produite par Marysol (Newen France), Mademoiselle Holmes (6x52’), pour TF1 également. Un clin d’œil à cette belle IP qu’est Sherlock Holmes. La série suit les aventures de Charlie Holmes, interprétée par Lola Dewaere. Arrière-petite-fille de Sherlock Holmes, Charlie, d’abord timide et réservée, va peu à peu révéler ses capacités exceptionnelles d’enquêtrice.
Nous avons également présenté Master Crimes (6x52’), nouvelle série UGC Fiction pour TF1 : une série procédurale lumineuse, légère et drôle, qui suit une excentrique, exaspérante mais absolument brillante professeure de criminologie de la Sorbonne. Elle devra travailler avec un capitaine de police dont le caractère est à l’opposé du sien pour résoudre de mystérieuses et surprenantes affaires de meurtres à Paris, accompagnée d'une équipe composée de ses meilleurs étudiants.
Enfin, Panda (6x52’), série produite par Superprod Drama pour TF1, avec Julien Doré au casting, raconte l’histoire d’un flic, Victor Pandaloni, retiré des affaires depuis plusieurs années. Pacifiste décontracté, accro au thé matcha et vegan convaincu, Panda tient un petit bar de plage dans un coin reculé de Camargue. Jusqu’au jour où son ancienne vie vient frapper à sa porte. Panda se voit contraint de reprendre du service, mais selon ses propres règles : pas d'armes, pas de violence et pas de départ matinal ! Il va former un duo explosif avec Lola, son binôme féminin. C’est la première fois que nous allons voir un flic résoudre des enquêtes en tongs !
Chacune de ces séries possède un parfait équilibre entre des enquêtes très fortes, développées dans chaque épisode, et des personnages hauts en couleur qui renouvellent le genre et apportent cette touche de divertissement qui nous est chère et correspond bien à l'air du temps. Nous sommes dans le registre du feel-good procédural. Dans le cas de Mercato, la singularité de la série est d’être dans de l’action, de l’adrénaline, la série est tourné à Marseille, et prévue pour 2024 en diffusion. Panda sera diffusé dès le 30 novembre sur TF1, Mademoiselle Holmes pourrait être diffusé d'ici la fin de l'année. Nous sommes très heureux de cette actualité et Newen Connect est très attendue par le marché international.
Votre expérience du marché latino-américain vous a-t-elle permis d’identifier ses principales spécificités ? Les principaux freins ?
Ce marché est habitué, particulièrement sur les plateformes SVOD, à un contenu glossy et plutôt feel-good. Les productions séries limitées, thriller, suspens, un peu plus intenses, ont du mal à trouver leur place. Amazon est peut-être la seule à être un peu plus masculine, avec un ADN plus thriller. Mais il y a aussi une production locale qui explose, et encore beaucoup de produits américains. En Europe, nous avons un peu vécu la fin de l’ère des séries américaines leader en prime-time sur les grandes chaînes. En Amérique latine, du fait de la proximité à la fois géographique et culturelle, il reste un peu plus de chemin à parcourir. Nous allons voir ce que nous réservent les changements à venir, notamment ceux liés aux acteurs du digital.
Certains pays d’Amérique latine viennent au MIPCOM, mais pas tous. Ce marché demande d’investir, pas une seule fois, mais sur le long terme. Nous y allons tous les ans, en ciblant un ou deux marchés par an. Nous voulons construire un relationnel solide, semer des graines pour lesquelles nous aurons un retour sur investissement à un moment donné. Pour cela, il faut investir dans les voyages, aller sur les marchés.
Ismael Ramiro, qui fait partie de l'équipe internationale, gère le Latam, ça fait deux ans qu’il se déplace au MIP Cancun et à Content Americas. Je l’accompagne aussi dans des déplacements dédiés, a minima une fois par an à Miami, en dehors des événements, pour maintenir le lien et voir l’ensemble des chaînes Pan. Ce travail est incontournable. Il faut investir et c'est un vrai plus de parler espagnol, car quand on ne maîtrise pas la langue, c’est un obstacle supplémentaire, même si tous parlent anglais. J’ai fait des études de langues étrangères, je suis d’origine espagnole et j’ai vécu en Amérique latine, je suis proche culturellement et j'aime à penser que ce background personnel participe de ce travail qualitatif entrepris depuis plusieurs années maintenant.
Il faut aussi savoir y aller avec les bons projets et une approche très qualitative. Nous lançons notre première série espagnole sur le marché international : Memento Mori (6x52') thriller/crime produit par Zebra Producciones (Groupe Izen) pour Amazon Prime Espagne, en ligne depuis le 27 octobre. Ainsi que notre deuxième série en langue anglaise : Serial Killer's Wife (4x52’), un thriller/drame produit par Clapperboard et Blackbox pour Paramount+ au Royaume-Uni. Au-delà des séries françaises, nous avons cette dynamique qui nous permet d’arriver avec un portefeuille de séries européennes diversifié. Nous avons envie que l’Amérique latine soit un terrain de jeu un peu plus important pour nous dans les années à venir.
Qu’en est-il du doublage pour ces territoires ? Est-ce quelque chose dans lequel vous investissez ?
Nous ne finançons pas les doublages en Amérique latine. Ce sont les partenaires chaînes qui prennent cela en charge. Nous bénéficions bien évidemment d’un accès à ces doublages. Cela dit, sur l’animation, nous avons commencé à faire des épisodes tests en espagnol neutre et en portugais du Brésil pour la série d’animation Imago (26x22’), série action/aventure produite par La Chouette Compagnie pour TF1. Nous avons de nombreux intérêts en Amérique latine. Nous avons lancé cette opération en juin, en amont d’un déplacement au Brésil et aux États-Unis, et nous espérons que d’ici au MIP Cancun nous serons en mesure d’avoir de premiers retours, avec, nous l’espérons, de nouvelles ventes à annoncer aux alentours des prochains Rendez-vous d’Unifrance à Paris en janvier 2024.
Avez-vous d’autres actualités du catalogue Newen à partager ?
Nous avons de nombreuses belles actualités. Polar Park (6x52’), produite par 2.4.7. MAX et ARTE France, sublime mélange de thriller et de comédie, visuellement saisissant, en diffusion actuellement sur ARTE, nous livre des records d'audience. Rousseau, un écrivain en panne d’inspiration, revient à Mouthe pour percer le secret de sa naissance. Parallèlement, la gendarmerie recherche un assassin passionné d’œuvres d’art. Rousseau va aider l’adjudant Louvetot à pénétrer l’esprit créatif du serial killer.
Nous nous sommes également engagés sur la saison 2 de Cœurs noirs (Dark Hearts), écrite par Virginie Brac (Engrenages), aux côtés d’Amazon Prime et de France Télévisions. Produite par Mandarin Production, Prix du producteur français de télévision de la Procirep en 2022, pour Amazon Prime Video, la seconde saison de la série est annoncée pour 2025. La première saison, écrite par Corinne Garfin et Duong Dang-Thaï (créateurs de la série Le Bureau des Légendes) et réalisée par Ziad Doueiri, nommé aux Oscars (L'Insulte, Baron Noir), a connu un succès critique et commercial immédiat, récoltant des critiques éblouissantes et devenant la série la plus regardée sur Amazon Prime Video France lors de son lancement en février 2023.