Adaptation de la saga littéraire éponyme, Fortune de France est à la fois une série historique qui plonge le spectateur au cœur des guerres de religion du XVIe siècle et une histoire familiale.
Le réalisateur Christopher Thompson, le producteur Jean Cottin (Les Films du Cap) et Julia Schulte, directrice des ventes internationales de France tv distribution, nous parlent des atouts de cette adaptation feuilletonnante aux décors et au casting remarquable, et aux enjeux intemporels.
Unifrance : Qu’est-ce qui vous a donné envie de porter sur le petit écran la saga historique de Robert Merle ? Quel est votre rapport personnel à ces romans ?
Christopher Thompson : J’ai lu "Fortune de France" quand j’étais adolescent. J’avais gardé en mémoire l’émotion du roman d’initiation, la saga familiale, un pays plongé dans la guerre civile qui cherche une voie. Je pensais depuis longtemps que c’était une source riche pour une série qui raconterait des grands thèmes intemporels liés aux histoires de famille à travers une époque qui apparaît comme un lointain miroir de la nôtre. Cette première saison se concentre sur une grande histoire d’amour contrariée par des croyances qui s’opposent ainsi que le passage à l’âge adulte d’une génération qui doit apprendre à garder son humanité dans un monde polarisé et violent.
Dans quelle mesure êtes-vous resté fidèle au récit des romans, et comment vous en êtes-vous distancié ?
C.T. : Le roman est construit comme une chronique, qui est une forme de récit difficile à adapter à l’écran. Du roman, avec mes co-scénaristes, nous avons puisé dans la galerie foisonnante de personnages, le quotidien d’une famille dans un monde en plein chaos. Et aussi une certaine musique des dialogues. Mais nous avons beaucoup travaillé à une réécriture des personnages, notamment les personnages féminins, revus au prisme des questions qui traversent et secouent la société contemporaine : la place des femmes, le rejet de l’altérité, la monté des intolérances. Je pense que nous avons pris de grandes libertés, renforcé les enjeux dramatiques, tout en restant fidèle à l’esprit humaniste du roman.
Il s’agit de votre second projet de série, après le succès de Bardot en 2023. Qu’est-ce qui vous plait dans le format sériel ? Qu’est-ce que cela vous a permis en termes d’écriture pour Fortune de France ?
C.T. : Le format de la série offre une grande liberté de récit avec la possibilité de suivre des personnages dans le temps, de les faire grandir et évoluer. J’aime aussi l’idée de renouer avec une tradition du feuilleton qui rappelle les sagas d’Alexandre Dumas ou de Dickens.
Vous avez fait le lien entre cette histoire et un western classique, est-ce quelque chose que vous aviez en tête pour la mise en scène ? Quelles ont été vos inspirations de manière générale ?
C.T. : La référence au western a été évoquée par nous dès l’écriture. Il y a dans ce château isolé, loin de la capitale, quelque chose qui rappelle le fort assiégé souvent évoqué dans les films mettant en scène la mythologie de la « conquête » de l’Ouest. Il y a la proximité avec la nature, les grands espaces. Comme dans le western, nous sommes dans un monde qui dicte ses propres règles et qui échappe partiellement au pouvoir central. Pendant le tournage, les références au western ont continué à s’imposer, notamment ceux de John Ford. Il y a d’ailleurs une référence directe à Fort Apache de Ford, dont la séquence du mariage est inspirée.
Comment avez-vous réuni l’équipe artistique autour du projet, et notamment ce casting remarquable ?
Jean Cottin : Christopher Thompson s’est entouré très vite et très en amont d’une équipe de chefs de poste d’expérience avec notamment Benoît Cissilkiéwitch à la déco, Benoît Chamaillard à l’image et Nathalie Chesnais, cheffe costumière qui avait précédemment travaillé sur ceux du film La Reine Margot.
La direction artistique était d’avoir un rendu très réaliste en appuyant sur le fait que Fortune de France est un récit du quotidien depuis un château de province et non pas dans les palais royaux de la capitale.
Concernant le casting, il y a eu un travail de préparation très en amont de Christopher Thompson et du directeur de casting Michaël Laguens. Fortune de France raconte l’histoire d’une famille, les Siorac, avec les maitres et les valets. Nous avons un casting important sur trois générations d’acteurs : des enfants, des adolescents et des adultes.
On a d’abord priorisé le choix des duos qui constituent le casting. Nous avons tout d’abord le duo des Seigneurs de Mespech avec Jean de Siorac et Jean de Sauveterre. Le choix de Nicolas Duvauchelle et Guillaume Gouix a été déterminé dès le début. Nous avons également le duo du couple Siorac, Jean et Isabelle. Le pari du casting était de faire découvrir au grand public un visage nouveau, ce qui a déterminé le choix de l’actrice belge Lucie Debay. Enfin, nous avons le duo des « méchants » avec les rôles du baron de Fontenac interprété par Grégory Fitoussi, ainsi que celui de Gamelin, joué par Antoine Gouy.
Le reste du casting a été constitué comme une troupe de théâtre. La particularité de Fortune de France étant de faire vivre la communauté des membres du château de Mespech.
Les paysages périgourdins, le château, les grandes chevauchées et les costumes sont impressionnants, comment avez-vous trouvé ces lieux de tournage ? Comment s’est passé le travail de recherche historique pour retranscrire fidèlement cette France du XVIe siècle ?
J.C. : Le parti pris artistique et de production a été de tourner la série intégralement en décors naturels dans les décors du récit imaginé par Robert Merle.
La série a ainsi été intégralement tournée dans le Périgord, notamment dans deux châteaux qui ont servi de décors à la série. Ainsi, le Château de Fénelon a été transformé en Château de Mespech, et le château de Beynac est devenu le château de Fontenac.
Nous avons par ailleurs recréé la place centrale de Sarlat en 1567 en utilisant le Château de Biron comme un studio à ciel ouvert. La plupart des intérieurs ont été tournés au Château des Bories qui se situe également dans le Périgord.
La particularité de Fortune de France, pour une série historique, est d’avoir énormément de décors extérieurs naturels, cela appuie le réalisme de la série. 65% de la série a ainsi été tourné en décors naturels extérieurs. Et 100 % en décors naturels.
Le travail d’écriture a été appuyé par un travail de recherche historique effectué par Baptiste Roger-Lacan qui est co-auteur de la série et agrégé d’histoire et qui a ainsi permis d’ajouter dans la série beaucoup de détails de vie quotidienne très réalistes et historiquement justes.
Avez-vous des anecdotes de tournage à partager ?
J.C. : Concernant la production de la série, nous avons dû faire face à une pénurie de costumes d’époques en Europe. Nous avons donc dû mettre en place, 6 mois avant le début du tournage, un atelier de fabrication de costumes afin de pouvoir créer les nombreux costumes de la série.
Cette œuvre mêle récit historique et histoire intime, rendant le propos très universel. Quels sont ses principaux atouts pour l’international ?
Julia Schulte : Fortune de France est, en effet, une série historique exceptionnelle qui révolutionne son genre : en mêlant l’histoire captivante et cruelle de la guerre des religions en Europe et la menace extérieure qui hante les Huguenots, à une histoire de famille et ses générations, la série nous projette à l’intérieur même d’un conflit qui se joue dans le couple, entre les parents et les enfants (qui jouent un rôle très important), à l’intérieur du château de Mespech, ce qui offre une dimension dramatique très forte. La série est produite avec beaucoup d’ambition, tournée dans des lieux historiques : le château et les environs exceptionnels du Périgord. La série nous amène dans les villages, nous emporte dans les forêts ; elle emprunte également les codes des films de capes et d’épées, mais en les modernisant. Avec Nicolas Duvauchelle et Guillaume Gouix dans les rôles principaux, cette histoire universelle est incarnée par un casting d’exception empruntant au cinéma, ce qui renforce son potentiel à l’international.
Quelles sont vos ambitions pour la série ? Ciblez-vous des territoires, des publics en particulier ?
J.S. : Fortune de France s’adresse à un très large public : ses héros multigénérationnels toucheront une cible familiale. Son casting éclectique et sa réalisation ambitieuse en font également une série pour les amateurs de sagas et de séries d’aventures. En tant que distributeur, nous avons des intérêts et des négociations en cours, aussi bien avec des plateformes de streaming, que des diffuseurs linéaires gratuits ou payants, selon les territoires.