Le CNC et Unifrance se sont réunis ce matin vendredi 11 octobre pour présenter les chiffres consolidés des ventes et des entrées des films français sortis à l’étranger en 2023 dans le cadre du bilan de l’export cinéma 2023. En présence de Cécile Lacoue, directrice des études, des statistiques et de la stratégie du CNC, et de Gilles Renouard, directeur du cinéma d’Unifrance.
Le cinéma français signe une année globalement positive sur grand écran à l’international en 2023. Néanmoins, on sait que de multiples changements sont venus altérer profondément l’écosystème. Par conséquent, la photographie restituée par la trajectoire du cinéma français en salle à l’international en 2023 dévoile des tendances différentes de celles qui ont caractérisé la fin des années 2010.
Premier constat : la fréquentation des films français à l’international progresse proportionnellement davantage que celle du marché global par rapport à l’année précédente (+36,2 % contre +22,1 %). Le nombre de spectateurs de productions tricolores poursuit sa hausse constante et atteint 42,7 millions. Si l’on retire les résultats des 11 films à succès ayant réuni plus de 10 millions de spectateurs chacun entre 2010 et 2019, on observe que 47,2 millions de tickets sont vendus aux guichets étrangers en moyenne chaque année pendant cette période. Sous cet angle, le cumul de 2023 n’est que de 9,7 % inférieur à ce niveau, et il atteint et dépasse le seuil des 40 millions d’entrées après trois ans consécutifs relégué sous de cette barre. Dans les 70 territoires étudiés, 2 entrées sur 3 (67,4 %) reviennent aux productions locales sur leurs propres marchés, donc « seule » 1 entrée sur 3 (32,6 %) revient aux œuvres importées, et la part de la France correspond à 2,5 % de ce dernier tiers. La cinématographie française conserve et renforce la place qu’elle occupait sur le marché mondial avant la pandémie de Covid-19.
Deuxième constat : les plateformes ont modifié les modes de consommation et, donc, la diffusion des films. À titre d’exemple, Miraculous : Le film, le leader français de 2023 sur grand écran à l’étranger (7,4 millions d’entrées), est sorti directement sur Netflix aux Amériques, en Océanie et dans de nombreux pays d’Asie et d’Europe. Ce choix a été fait en pleine pandémie de Covid-19, quand rien ne pouvait prédire la date effective de reprise de l’activité du secteur de l’exploitation à travers le monde. On remarque à la fois des films qui circulent davantage par le biais des plateformes et des territoires où les pratiques à la demande sont plus enracinées. Voici des millions de spectateurs qui, il y a cinq ou dix ans, auraient été comptabilisés du côté de la salle et pas des plateformes.
Troisième constat : les entrées moyennes par film augmentent et l’écart entre gros et moyens succès s’intensifie. Ainsi, l’indicateur des entrées moyennes par film s’établit à hauteur de 33 600 en 2023, reprenant des couleurs par rapport à 2022 (25 500), quand cependant il dépassait largement 50 000 avant 2019. Dans la lignée de l’année précédente, 7 titres réunissent plus de 1 million de cinéphiles étrangers et une soixantaine plus de 100 000. Néanmoins, par rapport au passé, on recense moitié moins de films dont le cumul se situe entre 500 000 et 1 million de tickets vendus, et les 10 plus gros succès concentrent à eux seuls la moitié des tickets vendus par le cinéma hexagonal en salle en 2023.
Quatrième constat : l’offre de films français en exploitation sur grand écran à l’international n’a jamais été aussi riche ; elle est principalement portée par les productions en langue française et fait la part belle à l’animation. En 2023, sont recensés 1 269 films, dont 287 inédits, et 3 211 nouvelles sorties. Des records historiques ! Si la pandémie a asséné un coup d’arrêt à l’augmentation constante de titres frais, leur présence dans les salles s’est étoffée dès 2022. On observe un retour en force des spectateurs de productions en langue française, qui affichent des ratios de reprise plus proches – voire bien supérieurs – des niveaux d’avant-pandémie que ceux du cinéma français dans sa globalité (+6,9 % contre -26,6 %). En revanche, les productions en langue étrangère, privées des films locomotives qui réunissaient plus de 5 (voire 10) millions de spectateurs chacun par le passé, stagnent. Aujourd’hui, le flambeau semble avoir été repris par l’animation, élue genre leader pour la première fois et qui séduit 1 spectateur de films français sur 4 dans le monde en 2023. Sa part annuelle de 27,7 % des entrées globales est la plus élevée de tous les temps ! La comédie et le drame viennent compléter le podium des genres les plus plébiscités (deux tiers de l’offre et la moitié des entrées) et séduisent toujours les cinéphiles étrangers. Alors qu’on alertait sur la désertification des salles de la part du public passionné d’Art et Essai, on remarque qu’il est de retour, car les entrées des films français classés dépassent leur niveau moyen annuel de la décennie. Le cinéma français continue de miser sur une offre riche et diversifiée pour trouver ses publics étrangers, et les comédies et les drames demeurent des socles solides à l’export, soutenus par les exploits d’autres genres – en 2023, par l’animation.
Cinquième constat : les spectateurs de films français se concentrent toujours plus en Europe et toujours moins sur les autres continents. Entre 2010 et 2017 (hors 2013 et 2016), la moitié des entrées tricolores étaient générées hors du Vieux Continent, tandis que cette tendance s’est inversée et renforcée par la suite, pour atteindre son pic historique… en 2023, quand 77,5 % des billets vendus par les productions hexagonales le sont en Europe. Une arrivée sur grand écran souvent plus tardive sur les autres zones géographiques, des sorties sur les plateformes sans passer par la fenêtre salle et l’absence des titres locomotives en langue anglaise qui ont émaillé les années 2000 et jusqu’à 2017 sont autant d’éléments de réponse à ce constat. Sans oublier que chaque marché étranger est influencé par des caractéristiques, des dynamiques et une trajectoire post-Covid-19 qui lui sont propres – laquelle trajectoire a souvent déclenché une détermination à soutenir et promouvoir la production locale rendant plus difficile l’accès aux cinématographies étrangères. Il est devenu encore plus complexe de prévoir et de planifier la carrière internationale d’un film. Il est intéressant de remarquer que, en 2023, à l’exception du cas isolé de l’Amérique latine, les spectateurs de films français augmentent sur tous les continents par rapport à l’année précédente, avec des pics en Europe centrale et orientale (+73,2 %) et en Asie (+44,2 %). 1 passionné d’œuvres tricolores sur 3 vit en Europe de l’Est, une première ! Inévitablement, l’essor de cette région, porté par une offre d’animation et de comédies plébiscitées localement, vient réduire les parts des autres zones géographiques par rapport à celles enregistrées en 2022, à l’exception de celle de l’Océanie – qui reste invariée – et celle de l’Asie – qui se renforce légèrement. La Pologne et le Vietnam font partie des territoires étrangers qui offrent un plus grand nombre d’entrées aux films français que par le passé, endossant ainsi un nouveau rôle de pivots régionaux. Les spectateurs de productions hexagonales sont plus nombreux que ceux calculés sur la moyenne de la période 2017-2019 sur 23 marchés, et, sur 9 autres territoires, les entrées du cinéma français affichent un retard inférieur à celui du marché local.
L’année 2023 signe un retour à la normale pour les 10 festivals internationaux étudiés dans ce bilan et la France peut s'enorgueillir de résultats de haute volée.
La volonté générale est de redonner pleinement aux festivals le rôle de rampe de lancement qu’ils étaient avant la pandémie, les organisateurs considérant les projections publiques comme un enjeu prioritaire pour faire découvrir les films aux spectateurs. Ces manifestations continuent d’avoir un impact considérable sur le secteur cinématographique et font encore plus prendre conscience de leur rôle incontournable en tant que tremplin pour toute une typologie de films qui nécessitent ce genre de manifestation pour donner le coup d’envoi à leur diffusion et circulation. Particulièrement en 2023, les festivals de cinéma mettent en avant la diversité culturelle en repoussant les frontières dans les différentes sélections avec un nombre accru de productions venant de pays qui sont peu ou pas représentés d’habitude, à travers la richesse d’œuvres aux formes cinématographiques variées, et faisant la part belle aux talents émergents.
Il est indéniable que 2023 est une grande année pour la France. En premier lieu, le nombre d’œuvres tricolores signées par des réalisatrices augmente et atteint le niveau record de 39,5 % du total, faisant mieux que la moyenne globale toutes nationalités confondues. En deuxième lieu, le palmarès dévoile une offre hexagonale diversifiée et multiculturelle portée par des cinéastes confirmés et émergents. La France remporte la Palme d’or à Cannes avec Anatomie d'une chute de Justine Triet, qui allie succès critique et public en France et à l’international et cumule les récompenses depuis son passage en festival. Le film Sur l'Adamant de Nicolas Philibert, sacré Ours d’or à la Berlinale, vient confirmer que les documentaires ont toute leur place dans les festivals, sans oublier le beau parcours du film Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania, Œil d’or à Cannes. Pour la troisième année consécutive, elle compte le plus de films sélectionnés (256, plus de 1 sur 5), le plus de présentations (353, soit 1 présentation sur 4) et le plus de prix gagnés (47) toutes nationalités confondues. L’Hexagone présente plus de films que les États-Unis dans 8 festivals et sa présence est particulièrement solide à Cannes, à Busan, à la Berlinale et à Rotterdam. Et 20 des 50 titres sélectionnés par 3 à 5 festivals sont de nationalité française. Ce leadership ne serait pas atteint et conservé au fil des années sans prendre en compte la nature multiculturelle de la cinématographie française, car 4 films sur 5 sont le fruit de la coproduction entre 2 pays en moyenne, pour un total de 81 pays étrangers partenaires.
Ce bilan et tous les indicateurs mis en place à Unifrance continueront à suivre et analyser la présence, la circulation et la consommation des œuvres françaises à l’international. Malgré une fréquentation mondiale encore en deçà des niveaux prépandémiques, une géographie des marchés qui se redessine et des habitudes de consommation des spectateurs qui évoluent, les films hexagonaux conservent une place de choix sur l’échiquier mondial.
Kaouther Ben Hania et les protagonistes des Filles d'Olfa au Festival de Cannes, 2023.
Les grands indicateurs des films français à l'international en 2023
En salle :
- 42,7 millions d'entrées et 271,4 millions d'euros de recettes.
- 33,7 millions d'entrées pour les productions majoritairement françaises et 34,1 millions pour celles en langue française.
- 1 269 films en exploitation (dont 287 inédits) et 3 211 nouvelles sorties.
- 7 films dépassant 1 million d'entrées et 68 100 000 entrées.
- L'Europe occidentale (19,3 millions) est la première zone géographique en nombre de spectateurs.
Dans les festivals internationaux* :
- 256 films français sélectionnés et 346 présentations.
- La France demeure le premier pays en nombre de films, de présentations et de prix remportés.
- 2 films français sur 5 sont signés par une réalisatrice.
- 1 Palme d'or, 1 Ours d'or et 45 autres prix officiels.
* Les 10 festivals étudiés sont : Bafici, Berlin, Busan, Cannes, Locarno, Rotterdam, San Sebastián, Sundance, Toronto et Venise.
Depuis sa création en 1994, le bilan annuel d’Unifrance récolte et analyse les résultats des films français à l’international, et son contenu a évolué et s’est enrichi au fil des années. Le bilan des films français à l'international se compose d'une analyse globale sur les résultats en salle, de 70 fiches pays (dont une quinzaine enrichies d'une mini-fiche SVOD) et de l'analyse de leur présence au sein des festivals internationaux. Parmi toutes les cinématographies existantes, aucune ne peut se prévaloir d’un tel ouvrage, qui est unique en son genre.
Le bilan 2023 est téléchargeable ci-dessous (en français uniquement)
Etude
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