Récompensé du prix du meilleur film unitaire et du Prix de la presse étrangère x Unifrance au dernier Festival de la fiction de La Rochelle, et récemment sélectionné au TAFFF (The American French Film Festival), le téléfilm À l'épreuve propose au spectateur une histoire inédite et lumineuse. Le récit d’apprentissage d’Ambre, une jeune maman solo décidée à prendre son indépendance coûte que coûte, se mêle à la découverte d’un univers méconnu, celui d’une unité spéciale des services de la propreté de Paris.
Thierry Langlois, directeur général et producteur chez Morgane Production, et Marie-Laure Hébrard, présidente et distributrice internationale du film chez Film & Picture, nous parlent de la genèse et du développement du projet, ainsi que de son potentiel international.
Unifrance : Comment est née l’idée de ce téléfilm ? Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce projet ?
Thierry Langlois : C’est Fanny Chesnel, la scénariste du film, qui a proposé cette idée à notre productrice Chloé Besomi. C’était initialement un projet de série, que j’ai découvert lorsque je suis arrivé chez Morgane Production. L’ancien diffuseur que je suis a été intrigué et séduit par cette proposition, mais a rapidement compris que ça pourrait être compliqué à vendre sous forme de série. On se situe dans une arène très particulière, avec une histoire qui couvre deux dimensions : à la fois un combat de femme traduit par le parcours d’émancipation du personnage principal, Ambre ; et à la fois la découverte d’un univers méconnu pour ne pas dire méprisé dans notre société, celui de la propreté, et plus précisément de la propreté de Paris.
Ce sujet nous intéressait par son originalité. Nous avons tout de suite pensé au service public pour nous accompagner. On se situait dans un registre sociétal, qui mettait en lumière une partie des invisibles de nos sociétés. Lors d’un point presse à La Rochelle, Stéphane Sitbon Gomez, directeur des antennes et des programmes de France Télévisions, et Anne Holmes, directrice des programmes, avaient annoncé que France Télévisions voulait faire évoluer son offre fiction pour traiter de manière plus conséquente de ces sujets.
Quand nous avons commencé à pitcher le projet en tant que série avec Chloé, nous avons effectivement compris que ce serait complexe. Le passage au 90’ a aussi été le fruit de nos échanges avec France Télévisions qui a tout de suite été très intéressé mais partageait cette réserve concernant le format. C’était une prise de risque importante pour eux, sur un sujet pas forcément évident.
Ce changement de format a eu des impacts importants sur le projet…
TL : La quasi-totalité des personnages du film étaient bien présents dans le projet de série, mais développés de manière plus conséquente. On s’intéressait aux trajectoires individuelles de plusieurs des personnages secondaires, notamment celui du personnage joué par Bernard Campan. Le format unitaire nous a amené à resserrer l’histoire sur le personnage d’Ambre.
Marie-Laure Hébrard : C’est aussi tout ce travail déployé en amont qui fait que les personnages sont si riches !
Le film propose une immersion dans cette unité méconnue de la propreté de Paris qu’est la Fonctionnelle. Comment l’avez-vous abordé ?
TL : Il y a eu un important travail de documentation sur la Fonctionnelle ; ces agents de la propreté de Paris qui interviennent, souvent en urgence, sur des terrains et dans des situations complexes. Cette unité existe réellement, elle est réellement dirigée par une femme forte, elle-même arrivée là en tant que mère célibataire. Ce personnage de la vie réelle a grandement inspiré nos autrices Fanny Chesnel et Noémie de Lapparent pour construire le personnage d’Ambre.
Comment avez-vous équilibré réalité et fiction ?
TL : Nous avons voulu traiter les deux sujets du film sans en privilégier un au détriment de l’autre. D’un côté le récit d’émancipation d’une jeune femme et de l’autre la dimension professionnelle avec la découverte du milieu des éboueurs, par ailleurs un métier très masculin, ce qui ajoutait encore une dimension supplémentaire. Nous étions attachés à l’humanité énorme de tous ces personnages, nous ne voulions surtout pas tomber dans le misérabilisme car ce n’est pas ce que nous avons vu en rencontrant les différents intervenants. Il y a des valeurs d’humanité et de solidarité extrêmement belles et universelles, que nous avons, je crois, réussi à faire voir dans le film.
Nous sommes allés tourner dans les locaux de la Fonctionnelle et dans leur centre de formation, nous voulions le plus de véracité possible.
Cela a-t-il été complexe d’aller tourner sur place ?
TL : Bien sûr il y a des contraintes mais ils étaient très émus et touchés qu’on soit là, ils ont été d’un grand soutien et d’une grande aide dans la production et dans la mise à disposition de ce dont nous avions besoin. Nous avons rapidement reçu un très bon accueil.
Du côté du financement, les subventions régionales en soutien à la production pour des films unitaires sont généralement très peu données par l’Île de France. Là, ils nous ont aidés de manière assez importante et inhabituelle, parce que nous donnions de la visibilité à un sujet qui n’avait pas été traité jusque-là.
Le choix du réalisateur, Akim Isker, qui s’était déjà intéressé au thème du lien filial avec L’enfant de personne a-t-il été une évidence ?
TL : Ni Chloé ni moi ne connaissions Akim personnellement, mais nous avions vu son travail et notamment L’enfant de personne. Le personnage du jeune enfant, incarné par Amaury Leroy, est très important dans À l’épreuve. En faisant appel à Akim, nous recherchions à la fois son talent et sa sensibilité, qui ont permis de donner ce très joli film, mais aussi la certitude de choisir quelqu’un qui sache travailler avec de jeunes enfants. C’est un exercice particulier dans la mise en scène. D’ailleurs Akim l’explique très bien, un enfant de 4 ans ne sait pas qu’il joue le jeu de la comédie, mais il faut qu’il puisse prendre cela comme un jeu. Évidemment, nous avions du coaching spécifique pour Amaury, de l’accompagnement et beaucoup d’encadrement.
Qu’est-ce qui rend le projet unique, notamment pour un public international ?
TL : L’éclairage qui a été donné au film à La Rochelle est très important pour nous. On évolue dans le cadre de la propreté de Paris, donc un cadre assez localisé. Mais la dimension internationale est portée par les valeurs universelles d’humanité que j’évoquais, véhiculées par le film. Le sujet des mères célibataires n’est pas propre à notre territoire, malheureusement. C’est une radioscopie de la société qui doit pouvoir trouver une résonnance dans d’autres territoires.
MLH : Pour autant, le film reste très lumineux ! Le combat des femmes est universel et c’est ce que cherchent les diffuseurs à l’international. Peu de télévisions publiques ont produit des téléfilms sur ce sujet et les quelques acheteurs que j’ai rencontrés à La Rochelle ont été très sensibles au sujet et à son traitement. La relation entre Ambre et son enfant est aussi très belle.
TL : La relation entre cet enfant, ses grands-parents, sa mère, et même ses amis ensuite, est effectivement très belle, c’est un ressort qui fonctionne bien.
MLH : On retrouve un côté multigénérationnel qui rassemble en télévision, ce qui est extrêmement positif pour le film. On a également de très belles vues de Paris, ce qui ne gâche rien pour l'international. Le film réunit des éléments très porteurs.
On a de très belles vues de Paris, mais on montre aussi l’envers du décor...
MLH : Personnellement je ne savais pas que la Fonctionnelle existait, on découvre un univers et on apprend des choses qu’on ne soupçonnait pas, on apprend à regarder les invisibles. Le film permet de développer une vraie empathie pour ces personnes dont on a tendance à oublier le rôle, bien qu'ils soient présents au quotidien et effectuent un service essentiel pour la communauté.
TL : En sortant de la première projection d'équipe qu’on avait organisée, un camion poubelle est passé devant nous. Les éboueurs n’ont pas compris pourquoi tout le monde les applaudissait subitement ! Ce sont des gens à côté de qui on passe et qu’on ne regarde pas, alors que leur travail est essentiel. Au-delà des horaires difficiles, des charges lourdes à porter et des conditions météo, c’est un métier compliqué psychologiquement. On le voit d’ailleurs dans une des scènes du film, ces agents sont confrontés directement à la difficulté et à la misère humaine.
Le sujet est certes lourd, mais nous avons voulu l’aborder avec un traitement solaire, notamment porté par le personnage d’Ambre. Frankie Wallach est formidable dans ce rôle. Tout le casting est absolument remarquable, mais quand Frankie a rencontré Akim, c’était assez vite une évidence.
Avez-vous de premiers retours à partager après la diffusion sur France 2 en septembre ?
TL : Outre la presse, rarement aussi unanime quant à la qualité d’un film, le diffuseur a également eu des retours qualitatifs d’image très positifs et élogieux, et le film a obtenu une des meilleures notes dans l’offre de fiction de France Télévisions ! Il ressort par son originalité et par la dimension éducative, au sens pédagogique. Nous en sommes très fiers.
Le film a remporté le prix du meilleur unitaire et le prix de la presse étrangère x Unifrance au dernier festival de la fiction de La Rochelle. Comment envisagez-vous le parcours international du film après ces distinctions ?
MLH : Ce prix de la presse étrangère est une vraie reconnaissance internationale, qui devient un label qualité à l’international. Quand nous avons commencé à envoyer des liens de visionnage à nos clients, une semaine après avoir pitché le film lors des Rendez-vous d’Unifrance au Havre, il venait d’obtenir ce prix, c’était un vrai argument pour nous. C’est ce qui fait que les acheteurs vont visionner le film en priorité. La sélection du film au TAFFF à Los Angeles est venue s’ajouter à cela, ce qui est formidable !
En lien avec cette actualité
Films(1)
Manifestations(2)
The American French Film Festival (ex-COLCOA) - 2024
Festival longs et courts métrages
Etats-Unis
du
au