Le documentaire L'Odyssée des cloîtres invite le public à explorer l’histoire extraordinaire des cloîtres d’Occitanie à travers les yeux du "chasseur d’antiques" George Grey Barnard, dont la collection d’œuvres a grandement contribué à la création du MET Cloisters, l’aile médiévale du Metropolitan Museum of Art de New York.
Distribué par Script Line et produit par Passé Simple, en partenariat avec l’UNESCO, ce film ambitieux allie recherches historiques et innovations technologiques, notamment par le biais d’archives inédites et de reconstitutions en 3D.
Gini Lorin, responsable de la distribution internationale chez Script Line, nous dévoile la genèse et la dimension internationale de ce documentaire, qui a pour ambition de mettre en lumière la richesse du patrimoine médiéval à travers le monde.
Unifrance : Comment est né ce projet de documentaire ? Pourquoi avez-vous décidé de le distribuer à l’international ?
Gini Lorin : Marc Azema, auteur et réalisateur, a découvert l’existence du MET Cloisters – aile médiévale du Metropolitan Museum of Art de New York – il y a plus de 35 ans, lorsqu’il était étudiant en Histoire de l’Art. Ce musée, en forme d’abbaye pyrénéenne, est entièrement structuré autour de quatre cloîtres ayant voyagé depuis le sud de la France, plus précisément de la région Occitanie-Pyrénées-Méditerannée ! Quelques années plus tard, devenu réalisateur spécialisé dans le secteur du patrimoine, l’idée de réaliser un documentaire racontant l’odyssée de ces cloîtres a mûri au gré de plusieurs voyages à New York. Ces repérages successifs lui ont permis d’affiner son projet, de rencontrer les conservateurs sur place. L’année 2025 marquera l’aboutissement de ces 30 ans de réflexion et de maturation, la livraison du film étant prévue en juin prochain.
De mon côté, je suis originaire de Toulouse. Le sujet me touche donc tout particulièrement.
C’est le producteur et réalisateur toulousain Francis Fourcou qui m’a mise en contact avec Marc Azéma. C’est de cette manière que j’ai rejoint le projet. Par ailleurs, je suis distributrice du documentaire Wibaux Wanted, que j’ai vendu outre-Atlantique à trois antennes de PBS entre 2023 et 2024. Deux nouvelles antennes entrent dans mes objectifs 2025. Ainsi, j’ai pu établir une connexion avec les diffuseurs américains et entrer sur ce marché difficile d’accès.
L’odyssée des cloîtres présente un intérêt pour le marché international de par son approche scientifique, en utilisant des techniques de pointe dans les restitutions 3D. Le travail de numérisation effectué pendant des années par les experts du laboratoire MAP du CNRS (qui ont oeuvré à la reconstruction de Notre-Dame de Paris), a servi de base pour le travail de reconstitution des cloîtres d’Occitanie effectué par l’équipe du film : une première en la matière !
Et puis, l’art est universel. Raconter l’histoire d’un musée situé dans une ville qui attire des visiteurs du monde entier est particulièrement enthousiasmant, d’autant que ce Musée est lié au Metropolitan Museum, l’un des plus grands et plus prestigieux musée au monde. Lorsque je présente le projet aux acheteurs, le terme "fascinant" est celui qui revient le plus fréquemment.
Le film pourra aussi être un outil pédagogique car il est basé sur des recherches historiques collectées par les trois partenaires du film : Passé Simple, le laboratoire MAP et le MET Cloisters. Marc Azéma a fait appel à de très nombreux spécialistes : une spécialiste de l’histoire de George Grey Barnard à l’origine du voyage des cloîtres, des historiens de l’art spécialisés dans l’art médiéval, les conservateurs des cloîtres d’Occitanie, la guide-conférencière de Bonnefont, des scientifiques, la DRAC Occitanie, des restaurateurs et bien-sûr les conservateurs du MET Cloisters. Toutes ces contributions permettront d’offir une vue complète sur l’histoire de ce Musée.
Pouvez-vous résumer ce film ambitieux, qui se déroule entre la France et les États-Unis, en quelques lignes ?
GL : Le film raconte l’aventure extraordinaire des cloîtres de Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault), Saint-Michel de Cuxa (Pyrénées-Orientales), Bonnefont-en-Comminges (Haute-Garonne), Trie-sur-Baïse (Hautes-Pyrénées), de leur voyage depuis la France jusqu'à leur reconstruction de l’autre côté de l’Atlantique, à New-York.
C’est un voyage à travers le temps qui nous permet de découvrir le “chasseur d’antiques” George Grey Barnard, sculpteur américain passionné d’art médiéval devenu marchand d’art. Sous forme de séquences animées, nous l’accompagnons au tout début du XXe siècle dans sa collecte des fragments provenant de ces cloîtres laissés à l’abandon et pillés pendant des siècles. C’est la collection qu’il constitue à ce moment qui permettra la construction de l’actuel MET Cloisters, inauguré le 10 Mai 1938. Dans la dernière partie du film, grâce aux images de synthèse 3D, nous retournons en France et assistons à la reconstruction virtuelle des cloîtres des abbayes de Saint-Guilhem-le-Désert et Saint-Michel de Cuxa, tels qu’ils étaient au Moyen Âge et tels qu’a dû les rêver George Grey Barnard.
Le récit se dévoile à travers le regard de George Grey Barnard…
GL : C’est en effet par la volonté de cet éminent sculpteur américain que les fragments de ces cloîtres ont été collectés et préservés de 1906 à 1913. Installé à Paris, Barnard se spécialise dans la recherche d’objets d’art du Moyen Âge. Ce qui est d’autant plus facile à un moment où les Européens délaissaient quelque peu ce patrimoine en partie ruiné par les guerres de religion. À cette époque, l’État ne bénéficie pas encore des moyens actuels pour la protection de ce patrimoine.
Barnard constitue une belle collection personnelle et pense qu’elle pourra un jour intéresser le Métropolitain Museum of Art (MET) de New York. 120 caisses contenant 700 pièces d’art médiéval arrivent ainsi à New York début janvier 1914. Barnard les entrepose au nord de Manhattan, à Fort Tyron Park. À proximité de son atelier, il fait construire un musée éphémère pour exposer sa collection, le Barnard’s Cloisters. Il ouvre les portes à Noël 1914 et devient le premier musée d’art médiéval en Amérique, avec un succès immédiat. Aujourd’hui disparu, le Barnard’s Cloisters sera reconstitué en images de synthèse 3D dans le film, grâce aux documents d’archives et au travail des infographistes de Passé Simple.
L’année 2025 a une signification très particulière car il y a cent ans, en 1925, John D. Rockefeller Jr apportait une contribution déterminante en achetant à George Grey Barnard sa collection d’oeuvres d’art. Il la lèguera ensuite au MET, et ce don permettra la construction de l’actuel MET Cloisters, qui va d’ailleurs commémorer ce centenaire en juin 2025. Le film sera associé à cet événement de différentes manières car il permettra aussi d’effectuer une visite virtuelle du musée disparu, le Barnard’s Cloisters, sujet principal de l’exposition associée à l’évènement.
Le film est un documentaire hybride mêlant archives, reconstitutions 3D, animation…
GL : Les séquences d'animation permettent de donner vie à Barnard dont il ne reste que quelques photos d’archives, ainsi qu’à d’autres intervenants-clés du film. Cette re-création a été effectuée en combinant des techniques d'animation 2D par IA et 3D (pour montrer ses déplacements dans les décors). La plupart du temps, les déplacements de Barnard dans le passé se font en vue subjective. Sa quête est narrée en voix-off et se base sur une adaptation des écrits et lettres recensées par les historiens.
Les décors sont quant à eux montrés de différentes manières : photographies anciennes traitées par caméra mapping (afin de restituer leur profondeur), prises de vues vidéo des décors actuels traitées avec matte painting, recréation des quatre cloîtres en 3D pour les montrer tels qu'ils étaient au moment du passage de Barnard, mais aussi au Moyen Âge.
En parallèle de ce fil rouge, des séquences viennent enrichir le film avec l’intervention de spécialistes (archéologues, historiens de l'art, conservateurs français et conservateurs du MET Cloisters), qui apportent des informations à la fois sur le parcours de Barnard mais aussi sur son contexte (marché de l'art au début du XXe siècle, protection des Monuments Historiques, tractations avec John D. Rockefeller, projets de construction du MET Cloisters, problématiques de remontage des cloîtres aux États-Unis…).
L’actualité récente vient enfin compléter l’histoire des cloîtres : la découverte de chapiteaux perdus à Saint-Guilhem-le-Desert, la donation mystérieuse de fragments à Cuxa, et la restauration d’un cloître à Tarbes, reconstruit en partie comme les clones new-yorkais de Trie et Bonnefont.
Comment avez-vous convaincu les partenaires autour du projet, notamment l’UNESCO ?
GL : À la lecture du dossier et après plusieurs échanges avec Marc Azéma, j’ai pensé que ce film permettrait de valoriser un patrimoine inestimable, et j’ai donc pris contact avec l’UNESCO.
J’avais eu un premier contact avec l’UNESCO, qui a consacré une soirée au film Collision en septembre 2023, film que j’ai vendu à Arte.tv et qui met en lumière l’intensité du trafic maritime international et ses dangers pour les baleines. Je suis honorée d’avoir permis au film de recevoir le patronage de la Commission Nationale française pour l’UNESCO. Ce soutien est tout particulièrement précieux à un niveau international.
La DRAC Occitanie, la Région Occitanie, plusieurs départements et communautés de commune, ainsi que les propriétaires des cloîtres et abbayes associées, ont également soutenu le projet. VIA Occitanie et Histoire TV seront les premiers diffuseurs du film. Les acheteurs étrangers qui ont visionné les premières images de la restitution du Barnard’s Cloisters ont été impressionnés par la qualité des travaux.
Grâce aux travaux du MAP, les cloîtres d’Occitanie seront mis en valeur grâce à leur restitution. Passé Simple restituera le Barnard’s Cloisters qui n’existe plus à ce jour. Or, c’est ce lieu qui a recueilli tous les vestiges et a attiré l’attention de Rockefeller ! Il a donc une valeur exceptionnelle. Le film va finalement l’immortaliser et permettre à tous les publics de découvrir l’histoire du MET Cloisters.
Ciblez-vous un public en particulier ?
GL : Nous nous adressons à une audience large, curieuse des cases consacrées à l’Art, à l’architecture, à la culture, à l’histoire de l’Art, au patrimoine. Le public qui a déjà visité le Musée voudra en savoir plus sur son histoire. Le film donnera l’envie à ceux qui le découvrent, d’aller le visiter un jour. Le personnage de Barnard, fascinant et attachant, permet d’ouvrir le récit et de le rendre accessible au plus grand nombre.
A-t-il été pensé pour l’international dès le départ ?
GL : Le projet a effectivement été pensé pour l’international dès le départ. Le tournage a d’ailleurs été réalisé directement en anglais sur place pour les interventions des conservateurs du MET Cloisters. Ces parties en anglais seront doublées ou doublées pour les diffuseurs francophones. De même, pour les intervenants français pour la version internationale. La voix off sera également enregistrée en français et en anglais.
Je suis en discussion avec des diffuseurs internationaux pour des pré-achats et reste bien-sûr disponible pour présenter le projet à de nouveaux acheteurs.
En quoi ce documentaire peut-il attiser l’intérêt du public international ?
GL : Nous pouvons constater l’engouement autour de la sauvegarde de Notre-Dame de Paris. L’incendie a révélé les liens très forts que nous avons avec le patrimoine légué par nos ancêtres bâtisseurs. De nombreux documentaires sur les travaux de construction et de reconstruction montrent l’intérêt des diffuseurs internationaux pour ce patrimoine. L'Odyssée des cloîtres s’inscrit exactement dans cette démarche de préservation et de valorisation d’un patrimoine inestimable du Moyen-âge.
Le Musée est situé à New York, une ville très internationale qui attire de nombreux touristes du monde entier. Il y a donc un potentiel international certain. Ce récit souligne également le côté universel de l’art, avec une belle collaboration internationale, et ces liens très forts qui unissent la France et les Etats-Unis dont je me réjouis dans chacun de mes échanges avec des partenaires américains.