Créée en 2008, la série d’animation Zig et Sharko fête cette année ses 15 ans. L’occasion de revenir sur le succès international de la comédie sans paroles auprès des enfants du monde entier. Marc du Pontavice, fondateur de Xilam Animation et producteur de Zig et Sharko, revient sur la genèse et l’évolution de la série, qui a su garder son ADN d’origine tout en faisant évoluer ses personnages au cours de 4 saisons.
Safaa Benazzouz, directrice de la distribution chez Xilam, explique comment la série a su séduire toutes les typologies de diffuseurs et de plateformes internationales, tout en bénéficiant d’une distribution digitale explosive sur Youtube, faisant d’elle la franchise la plus établie de Xilam sur ce canal.
Unifrance : Quelle est la genèse de Zig et Sharko ?
Marc Du Pontavice : Zig et Sharko est né en 2008, trois ans après l’arrivée d’Oggy et les cafards sur Gulli, qui est devenue un succès phénoménal. Je cherchais une nouvelle comédie slapstick et j’ai proposé à Olivier Jean-Marie (le réalisateur d’Oggy) d’inventer une mécanique à trois personnages pour varier la grammaire. La première saison a été commandée par TF1 et Canal+, mais les débuts de la diffusion ont été laborieux. C’est avec la deuxième saison, sur Gulli, que le succès a pris et s’est propagé à l’international. Elle a suivi le chemin d’Oggy en Asie, en Allemagne en Italie, en Afrique du sud, etc. et c’est grâce à YouTube (35 millions d’abonnés dans le monde) puis Netflix (40 millions d’heures visionnées sur la seule année 2023) que le programme a décollé aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. Au point de dépasser le succès d’Oggy.
La série a beaucoup évolué depuis sa création il y a 15 ans, bien que la mécanique centrale – à savoir le désir de Sharko de manger Marina et la volonté de Zig de la protéger – soit restée la même au cours des 4 saisons. Comment réussissez-vous à maintenir la continuité tout en apportant de la nouveauté à chaque saison ?
Marc du Pontavice : Quand on travaille sur une matière de comédie visuelle (ce que les américains appellent physical comedy) et que vous travaillez sur des formats assez courts (7’) avec un volume d’épisodes important (78 par saison), la répétition ne peut tenir sur le long terme. Même si la persévérance et l’obstination sont au cœur de la narration, il faut proposer à chaque nouvelle saison une évolution du cadre de la mise en scène. Sur Oggy, nous avions choisi d’inventer de nouveaux personnages. Sur Zig et Sharko, nous avons fait évoluer le rôle de la sirène, Marina. Cette évolution était rendue d’autant plus nécessaire que le regard de la société – et donc des artistes – sur les femmes a considérablement évolué pendant cette période.
Dans la première saison, Marina était un personnage peu mobile, assez isolé et n’existait que dans le regard de Zig et Sharko. L’arrivée d’Hugo Gittard et Andres Fernandez aux commandes de la deuxième saison a complètement modifié ce regard. Marina a été réintégré au collectif avec un rôle très proactif, et c’est Zig qui s’est retrouvé expulsé dans la jungle. Et naturellement, dans la troisième saison, Marina change de fonction en devenant capitaine du paquebot qui emporte tout le collectif à son bord. C’est assez passionnant de voir qu’un dessin animé évolue dans le temps avec le regard sociétal. C’est essentiel quand on s’adresse aux enfants, qui sont naturellement les réceptacles très influençables par ces messages sous-jacents.
Le personnage de Marina a gagné en importance au fil des saisons, en particulier dans la saison 4, où elle acquiert des jambes aux pouvoirs incroyables. Pourquoi cette évolution du personnage était-elle essentielle ?
Marc du Pontavice : Ici l’histoire du rôle de Marina continue d’évoluer. Jusque-là, même en changeant de fonction, Marina restait en quelque sorte contrainte par son statut de sirène. En lui donnant des jambes, qui plus est surpuissantes, on achève la mue du personnage et, partant, celui du regard masculin, puisqu’elle devient parfaitement autonome et souvent motrice de l’action. Evidemment, tout cela se fait avec une inventivité visuelle et beaucoup de comédie pour rester fidèle à l’ADN du slapstick.
Le format du cartoon muet confère aux personnages des intentions très claires, ce qui les rend à la fois attachants et universels. Selon vous, quel impact cela a-t-il sur la série ?
Marc du Pontavice : Toute fiction doit répondre à une question qui est la plus importante avant même de caractériser le personnage, c’est la question de son moteur : que veut le personnage ? Et dans la comédie, plus la réponse à cette question est simple, plus le personnage est clair et lisible et plus la comédie pourra surgir des contrariétés rencontrées par le personnage. Ensuite, il y a un travail très sophistiqué sur la caractérisation proprement dite. Même s’ils sont des bourreaux, les personnages de slapstick doivent être attachants. On doit en permanence être pris dans la dialectique du bourreau et de la victime, et balancer entre le désir de Zig et celui de Sharko. L’originalité du slapstick façon Xilam, c’est que chaque personnage, derrière l’apparence de son rôle, est en fait à la fois bourreau et victime. De sorte que, malgré les actes parfois répréhensibles, on se prend d’affection pour eux jusqu’à souhaiter leur réussite. En réalité, et c’est sans doute l’un des points forts de notre approche, nos personnages, même dans leur "méchanceté" apparente, sont pétris d’émotions et de fragilité. Et ça, les enfants adorent.
La série rencontre un grand succès à l’international auprès des diffuseurs et des publics, ce qui lui a permis de remporter le Prix Unifrance de l’export audiovisuel 2024 pour la saison 3, dans la catégorie Animation. Comment expliquez-vous le succès mondial de la série ?
Safaa Benazzouz : En effet, la série remporte un franc succès à l’international, renforcé à chaque livraison de nouvelle saison. Nous avons convaincu toutes les typologies de clients : des diffuseurs traditionnels aux networks américains, en passant par les plateformes SVOD, AVOD, et une exploitation YouTube assurée par notre équipe digitale depuis 2014.
Chaque saison a apporté une nouveauté tout en gardant son ADN d’origine, nous permettant de démarrer des cycles de ventes et de renouvellements des premières saisons rapidement.
La comédie est un genre très recherché par les diffuseurs et les plateformes, c’est ce que les enfants veulent voir. L’universalité de son format, le rythme dynamique mais aussi le volume disponible (312 épisodes de 7 minutes) sont d’autres arguments de taille qui expliquent le succès international de cette franchise. Les personnalités de nos héros sont bien définies, les rendant incontournables !
On se réjouit de fêter les 15 ans de la marque cette année ! Au programme : des interviews exclusives, du contenus inédits, des collaborations… à suivre de très près sur nos réseaux !
La distribution digitale représente une part importante de l’exportation internationale de la série. En quoi cette dimension a-t-elle contribué à son succès auprès des publics étrangers ?
Safaa Benazzouz : La distribution digitale nous a permis de toucher le monde entier directement et de se créer une notoriété même dans les pays où nous n’avions pas de diffuseurs TV. Et comme la série n’est pas dialoguée, nos héros ont vite trouvé une audience sur tous les continents ! Cette notoriété permet au programme de performer sur les chaines mais aussi sur différentes plateformes SVOD/AVOD dans le monde entier : Gulli (France), Super RTL (Allemagne), Netflix, Warner Bros Discovery (France, Afrique, Italie), DeAgistini (Italie), MTV3 (Finlande), NRK (Norvège), Ketnet (Belgique), Panda Kids (Portugal), TVP (Pologne), RTL (Hongrie), ERT (Grèce), Viacom 18 (Inde), Youku (Chine), Iqiyi (Chine). Sur YouTube, Zig et Sharko est la franchise la plus établie de Xilam avec plus de 35 millions d'abonnés et 10 milliards de vues sur tous les continents. La moyenne annuelle atteint 3.7 milliards de vues à travers les 7 chaînes consacrées au programme. En effet, nous avons des déclinaisons linguistiques des chaînes même si la série est sans dialogue, ceci afin de nous rapprocher encore de notre audience.
Nous avons aussi des comptes dédiés à la série sur Instagram, Facebook, TikTok et plus récemment Snap, alimentés chaque semaine, nous permettant de créer des communautés fortes auprès de plusieurs cibles. Ces comptes comptabilisent au total 6 millions d’abonnés. Nous recevons régulièrement du "fan art" sur les réseaux sociaux et même par voie postale du monde entier, prouvant l’attachement pour nos héros.