Cette année, à l’occasion du festival de Cannes, la journaliste américaine de The New York Times Style Magazine, Lynn Hirschberg, s’est retrouvée au cœur d’une discussion portant sur la délicate question de la relève masculine du cinéma américain.
En effet, les professionnels du cinéma américain s’inquiètent du peu d’enthousiasme que suscitent leurs jeunes poulains. Car pour succéder au trio gagnant Brad Pitt- George Clooney-Tom Cruise des années 1990-2000, il semble que les comédiens charismatiques made in usa manquent à l’appel.
Certes, des nouvelles têtes comme Jake Gyllenhaal, récemment plébiscité pour sa prestation dans Le Secret de Brokeback Mountain, et Zach Braff (connu en France pour Garden State) rassurent, mais les professionnels américains se retrouvent à devoir compter sur les nouvelles recrues des pays anglophones comme Colin Farrell (Irlande) et Orlando Bloom (Angleterre). A ce stade de désillusion, producteurs et réalisateurs se tournent alors vers la relève gauloise qui, elle, semble au meilleur de sa forme.
Favoris de ce palmarès de sang frais, trois Parisiens : Romain Duris, Gaspard Ulliel et Mathieu Amalric. Ces derniers séduisent dans le milieu parce que chacun réunit les deux qualités qui semblent faire actuellement défaut chez leurs homologues outre-atlantiques : beauté et surtout technique.
Charismatiques, séduisants et élégants, Duris, Ulliel et Amalric explosent à l’écran. Capables de toucher le spectateur grâce à un jeu naturel inspiré de l’Actors studio américain, mais en y mêlant style et intensité, ils peuvent exprimer une foule de sentiments en un regard, une attitude. Radicalement différents dans leur approche du personnage d’un film à l’autre, ils parviennent à surprendre et à porter un film par leur seule présence, rappelant avec nostalgie aux Américains les émotions que leur provoquaient leurs propres acteurs, il y a 20 ans de cela, comme par exemple Daniel Day-Lewis dans My Beautiful Laundrette dont la journaliste Lynn Hirscherg retrouve la fraîcheur chez Duris dans De battre mon cœur s’est arrêté.
Autre qualité non négligeable et particulièrement appréciée chez ces jeunes talents qui manient de plus en plus la langue de Shakespeare, leur absence de chauvinisme ou de mépris (voire d’antiaméricanisme) pour les grandes productions. Aussi n’hésitent-ils pas à partir travailler à l’étranger.
C’est ainsi qu’on retrouve Ulliel, 21 ans seulement, dans Young Hannibal, l’antépisode du Silence des agneaux, quant à Amalric, Spielberg est venu le chercher pour jouer dans son Munich, tout comme Sofia Coppola qui lui a confié un petit rôle dans Marie-Antoinette, mais c’est surtout sous la direction de Julian Schnabel, le réalisateur new-yorkais de Basquiat et d’Avant la nuit qu’il tiendra le premier rôle.
Ces jeunes messieurs du cinéma français ne dissimulent pas leur envie de devenir "internationaux", non pas (uniquement) pour la gloire et les paillettes, mais d’abord parce que leur talent le leur permet et qu’ils ont donc soif de l’exploiter par tous les moyens.
Article "Lover Boys" paru dans T Style Magazine et signé Lynn Hirschberg.
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