L'Avocat de Cédric Anger était présenté sur la Piazza Grande lors du dernier festival de Locarno, il y a un mois. Le réalisateur nous livre ici ses impressions.
« Locarno, c’est génial, c’est le prochain festival que je veux faire » m’avait dit Xavier Beauvois. Tout le monde autour de moi semblait du même avis. Les acteurs aussi. Le producteur idem. Et, sitôt notre sélection connue, chacun avait organisé ses vacances en fonction de la présentation du film Piazza Grande. Le festival a eu la courtoisie de nous inviter en force. Et nous voilà, Myself, Benoit Magimel, Gilbert Melki et Thomas Klotz en route pour Locarno. Ici, un aparté. Je n’ai pas peur en avion. Surtout quand le vol dure à peine plus d’une heure. Sauf quand à côté de moi un homme s’enfile une telle quantité de calmants qu’il pourrait fait grimper le cours de l’action à lui tout seul. L’inconnu angoissé engage la conversation, je sors donc mes journaux et d’un air pénétré entame la lecture d’un article sur les plates-formes de forage offshore. Je n’aime pas me montrer désagréable mais rien ne se transmet plus vite que la peur des gens qui ont peur en avion. Fin de l’aparté.
Locarno est un festival pour qui aime le cinéma et son nouveau directeur Olivier Père a concocté cette année une sélection riche et variée. Bien sûr, celui qui cherche à voir Hot ninjas chasseurs de primes y trouvera à redire, mais l’amateur de films pouvait voir les derniers opus de Christophe Honoré, Benoit Jacquot, les oeuvres de Bruce la Bruce, Philippe Parreno, un film de zombie, croiser John C. Reilly ou le génial Eric Khoo et, last but not least, revoir des Lubitsch, le festival ayant eu la bonne idée de renouer avec les grandes rétrospectives. Le temps nous a manqué de profiter pleinement de cette programmation. Bien que très agréable et dans un cadre idéal, le festival de Locarno n’est pas un festival pour vacanciers et nos journées étaient bien remplies, entre la presse suisse, italienne, suisse-italienne, internationale et nationale. L’Unifrance Team , les distributeurs français et suisse, avaient judicieusement organisé tous ces rendez-vous dans différents endroits de l’hôtel et nous n’avions qu’à nous laisser guider d’un endroit à l’autre, du hall à la terrasse, traversant ses couloirs immenses en se demandant si c’était le même code postal d’un bout à l’autre. Et puis à Locarno, on déjeune et dîne divinement. Ca pourra paraître accessoire mais qui préfèrerait partager plutôt un paquet de Dorritos sur le trottoir pendant cinq minutes ?
Vint enfin la projection. Piazza Grande. Entre 6000 et 8000 spectateurs. Fallait-il dire un mot à chacun ? Foule nombreuse, mer de spectateurs juste devant nous. Où commence la chaussée ? Où les terrasses de restaurants ? Où finit la place ? Brouhaha, cacophonie de discussions montantes et descendantes que rompt soudain la mélodie de la petite musique officielle du festival et le silence. Olivier Père nous accueille, on monte sur scène. Nos visages sur l’écran le plus grand d’Europe. Ne pas se retourner pour se voir sinon c’est la paralysie assurée. On lance le film. Projection unique, drive-in géant. Le film ne sera projeté comme ça nulle part ailleurs. Forcément, on le revoit. Ce qu’on ne fait pas toujours dans les festivals où la plupart du temps on part boire des coups en attendant le Q&A.