L'acheteur de la milliardième boîte de cassoulet SODIPA, c'est lui. Il a donc gagné un voyage de deux jours au Sénégal. Avec logement dans un palace, piscine, whisky et jolies filles. Il y fait une arrivée remarquée. Il n'a rien, en effet, de la clientèle habituelle de ce genre d'hôtel: crasseux, mal rasé, son mégot de cigarette maïs rivé aux lèvres, l'oeil vague et vaguement lubrique, il balade son allure minable avec une insistance provocante. Et quand il se met en tenue de plage, c'est pire. Affublé d'un slip sans forme dont les entrebâillements laissent apparaître les attributs d'une virilité mal satisfaite et dont la couleur jaunasse cache mal une absence de préoccupations hygiéniques, il ferait presque fuir une portée de gorets. D'autant qu'il n'hésite pas à aller plus loin en urinant dans la piscine afin d'en profiter seul et à son aise. Ces démonstrations amusent cinq minutes, puis agacent - le maître-nageur, en particulier - et finissent par indisposer. On le renvoie donc en France, sans même qu'il ait le temps d'enlever des murs les photos cochonnes qu'il y avait placées. Il s'installe sur la Côte d'Azur où ses manières ne sont pas plus appréciées. Partout où il passe la délicatesse trépasse. Que ce soit dans une pharmacie, sur le marché lorsqu'il fait ses courses, dans les transports en commun où il laisse aller une main baladeuse, ou bien dans une parfumerie où la forme des flacons lui inspire quelques réflexions qui ne laissent aucun doute sur sa lubricité. Il n'hésite pas non plus à utiliser des combines. Ce qui lui permet de se faire offrir à manger après avoir usé les nerfs d'un restaurateur arabe à qui il demande de la choucroute et d'une serveuse alsacienne à qui il demande du couscous. Chez lui, il se complaît dans sa crasse et dans les odeurs pestilentielles que son corps parfois laisse échapper. Et puis, un jour, las de tout, dégoûté de l'univers triste qui l'entoure, il s'ouvre les veines avec une boîte de cassoulet qu'il vient d'ingurgiter.
Source : © Fiches du Cinéma