Synopsis
Jules Petitpas, timide représentant en tisanes, a inventé une liqueur dont il espère suffisamment d'argent pour faire opérer Rosette, une jeune infirme qu'il aime. Il veut parler de cette affaire à son patron, mais il meurt chez lui avant d'avoir pu aborder la question. Monsieur Ledru de Beauminet est contraint de l'enterrer dans son propre caveau. Jules y retrouve toute la famille de Beauminet et deux ans plus tard, apprend par un nouvel arrivant que son patron a réalisé une confortable fortune avec la liqueur, mais a négligé de faire opérer Rosette. Jules obtient une permission pour venir hanter M. de Beauminet, qui reste intraitable. Il faut que toute la famille vienne collectivement le relancer pour qu'il consente à accomplir son devoir. Rosette est opérée et sauvée et Jules s'apprête à rentrer dans son caveau. Mais la porte en est fermée et il reste sur terre, sous forme. de chanson.
Source : © Fiches du Cinéma
Générique
Réalisateur (1)
Acteurs (19)
Production et distribution (2)
- Production déléguée : Union Générale Cinématographique (UGC)
- Distribution France : Alliance Générale de Distribution Cinématographique (AGDC)
Générique détaillé (14)
- Adaptation : Roger Vadim
- Scénaristes : Gaston Bonheur, Philippe De Rothschild
- Dialoguistes : Gaston Bonheur, Philippe De Rothschild
- Directeur de la photo : Léonce-Henri Burel
- Auteur de la musique : Gérard Calvi
- Assistant à la réalisation : Marcel Camus
- Monteuse : Suzanne De Troeye
- Ingénieur du son : Constantin Evangelou
- Producteur : André Halley Des Fontaines
- Cadre : Henri Raichi
- Directeur de production : François Carron
- Scripte : Suzanne Durrenberger
- Décors : Jean Douarinou
- Régisseur général : Eugène Nase
Mentions techniques
- Type : Long-métrage
- Genre(s) : Fiction
- Sous-genres : Comédie, Fantastique
- Langue de tournage : Français
- EOF : Non précisé
- Nationalité : 100% français
- Année de production : 1952
- Sortie en France : 03/09/1952
- Durée : 1 h 27 min
- Etat d'avancement : Sorti
- Numéro de visa : 11530
- Visa délivré le : 31/07/1952
- Agrément : Inconnu
- Formats de production : 35 mm
- Type de couleur(s) : Noir & blanc
- Cadre : 1.37
- Format son : Mono
Actualités & distinctions
A propos
A propos des trucages de "La Demoiselle et son revenant"
Lorsque La Demoiselle et son revenant sort sur les écrans français le 3 septembre 1952, sa bande-annonce vient de promettre « de l’esprit, des esprits, de l’émotion, de l’humour » et « une pluie d’ahurissantes trouvailles ». Or, le public français a vu coup sur coup deux célèbres « fantômes » : celui de Sylvie et le fantôme de Claude Autant-Lara en 1946, et en 1951, Garou-Garou le passe-muraille de Jean Boyer. En outre, le thème est régulièrement investi par des productions internationales (L’esprit s’amuse de David Lean en 1946, pour n’en citer qu’un). Comment, dès lors, surprendre encore les spectateurs ? Handicap supplémentaire, l’œuvre de Marc Allégret compte plus de comédies de mœurs que de films fantastiques – La Demoiselle et le revenant étant le seul de ce genre dans sa longue filmographie.
C’est sûrement ce qui explique le soin très important consacré aux trucages. Le fonds Marc Allégret, conservé à la Cinémathèque française, comporte ainsi un cahier très précis, listant soigneusement tous les plans truqués (ci-contre). Le générique de début voit inséré, entre le nom du directeur de la photographie Léonce-Henri Burel et celui du décorateur Jean Douarinou, un carton précisant : « Truquages par procédé travelling matte », fait très étonnant – d’autant que le générique ne cite nullement le Britannique John Gow, qui créera concrètement ces plans truqués.
Les documents du fonds nous apprennent aussi que 765 secondes de film (ci dessous à gauche), soit un peu plus de 12 minutes sur un total de 87, ont été envoyées pour trucage aux studios anglais de Pinewood, pour un budget de 2 750 000 francs (sur quasiment 54 millions de francs). Sans compter les effets réalisés directement en plateau, sur lesquels les rapports de scripte très détaillés livrent de précieuses informations (ci-dessous à droite). Car, à l’inverse de ses illustres prédécesseurs, le fantôme d’oncle Tisane n’est pas transparent, mais de petite taille (« une quarantaine de centimètres », précise le découpage technique). Il côtoie des humains de taille « normale », dont son propre cadavre.
Le tournage principal se déroule aux studios de la Victorine à Nice et ses environs, du 9 juillet au 6 septembre 1951. Mais dès le 2 juillet, des essais sont réalisés, se révélant infructueux pour la plupart des scènes truquées. Celles-ci sont repoussées en fin de tournage, après la mi-août : on fait alors venir de Londres une caméra et un objectif plus précis (rapport horaire du 20 août). Ainsi, les deux scènes autour de la « glène » apparaissent-elles régulièrement dans les rapports, pour signaler à la fois les difficultés d’exécution et les solutions techniques choisies. Cette glène est une tapisserie imposante (ci-contre) – encadrée par des colonnes en pierre et une racine suintant au-dessus d’elle – qui permet l’arrivée d’un nouveau mort dans le caveau. Sur une musique concrète composée par Pierre Henry, la tapisserie s’estompe, laisse la place à l’arrivant (Jules Petitpas, le héros, puis vers la fin du film Bill l’Américain), pour devenir à nouveau tapisserie solide et infranchissable, au grand désespoir de Jules.
Si la première séquence, qui correspond à l’arrivée du héros, est détaillée et précise, la deuxième apparition de la glène, avec Bill, semble plus rapide, moins soignée : on voit très facilement, en bas de l’image, les skis de Bill se surimpressionner au sol, alors que la logique diégétique voudrait que ces skis soient en dur, et non « fantomatiques ». Ce défaut technique, qui n’est pas présent dans la première scène, est manifestement lié à des raisons budgétaires. La page 138 du découpage technique (ci-contre) précise d’ailleurs : « Si nous en avions les moyens, nous pourrions pour ce passage employer la technique du travelling matte shot, ce qui nous permettrait de voir la "glène" se refermer derrière Bill. »
Le travelling matte auquel il est fait référence ici, dans le générique et dans de nombreux documents, est une technique permettant de combiner plusieurs images en une seule, en créant des caches (matte) noirs, silhouettes parfaites de l’objet que l’on cherche à incruster dans une autre image. Quand Jules salue d’un mouvement de chapeau son corps mort, le cache noir derrière le chapeau est visible, le mouvement rapide dévoilant le truc. La technique nécessite un travail de laboratoire qui va être confié aux studios de Pinewood. Il leur faudra marier les plans, dont une partie (les humains) sera tournée à Nice, et l’autre (Petitpas en miniature) directement à Londres, lors de séances spécialement dédiées aux mattes en octobre 1951.
Le compte rendu de ces séances par Marc Allégret lui-même (ci-contre) nous donne un aperçu très concret des difficultés de calage entre les deux plans à marier. La douane anglaise bloquant longtemps les plans de fond, le tournage des plans du « petit Jules » se fait de mémoire. Il est donc difficile de s’assurer que la perspective et les mouvements de Jules réagissant aux humains sont « raccords ».
La difficulté de ce type de plan réside justement dans ces « détails » qui n’en sont pas. Car pour que le spectateur croie – le temps du film évidemment (3) – en la présence d’un esprit miniature dans le même plan que des humains, il faut qu’il y ait un maximum d’interactions entre eux. Le film respecte d’ailleurs scrupuleusement la règle du montage interdit formulée par André Bazin (4) : « Quand l’essentiel d’un événement est dépendant d’une présence simultanée de deux ou plusieurs facteurs de l’action, le montage est interdit. » Le montage ici alterne plans de Jules seul (sans trucage), plans de la famille Beauminet (sans trucage), et plans impliquant la présence simultanée de ceux-ci, donnant l’échelle de taille et d’espace nécessaire à l’illusion fantomatique. Le découpage technique rend très visible cette alternance, puisque comme le montre la page 86, les plans comportant une double croix indiquent un truquage dans le découpage (ci-dessous). Car ici, l’enjeu est la rencontre entre deux tailles – symbolisant deux statuts (vivant/mort) – mais aussi celle de Jules avec lui-même.
Pour ces derniers plans, deux types de trucage ont été utilisés. Lorsque Jules entre en contact avec lui-même, se touche, on a affaire à un mannequin géant, copie de l’acteur, qui a d’ailleurs été difficile à créer et à maquiller. Il faut néanmoins continuer à marier les plans des deux Jules sur le décor du bureau afin d’avoir une échelle de taille correcte. Lorsque Jules se « contente » de regarder de loin son double, il s’agit d’un travelling matte mariant deux plans du même acteur.
En revanche, les fameux plans de la « glène » bénéficient peu de cette technique. La plupart des plans sont réalisés sur place, comme l’explique le rapport de scripte du 14 août (ci-contre) : « Trucage à tourner en deux temps. 1) Tourner avec la glène sans acteurs avec trucages de lumière et déclenchement au fondu. 2) Retirer la glène, remonter la pellicule et mettre la descente de Bill et de l’homme noir, ce qui nécessite un nouveau réglage de M. Burel. »
La plupart des autres trucages du film ont ainsi été faits sur plateau, comme l’arrivée de Jules dans la chambre de Rosette, tournée à 32 images/seconde (et donnant donc l’impression, une fois projetée à 24 images/seconde, d’un mouvement ralenti) et inversée (ce qui a nécessité là aussi un matériel particulier, ci-contre rapport horaire du 27 juillet), ou l’apparition de Jules dans le bureau de Bertrand vers la fin du film par un fondu enchaîné, et sa disparition en arrêt de caméra, dans une esthétique très mélièsienne.
Rien n’explique cependant pourquoi la séquence de l’opération de Rosette, prévue dans le découpage technique pour comporter des trucages sera au final tournée sans aucun artifice. On peut supposer que les difficultés techniques et le budget auront eu raison de ce qui se serait le plus rapproché des autres fantômes contemporains, un double translucide (5).
Le fantôme si particulier de Marc Allégret aura donc nécessité un travail délicat et original, comme le montrent les documents de tournage. L’implication du réalisateur dans la technique (pour preuve : les voyages à Londres, non prévus au budget originel), offre un résultat passionnant où les trois scènes les plus complexes, au milieu du film, imprègnent ce dernier dans son entier et authentifient le récit du personnage. On se rend ici compte de la complexité des trucages, qui à eux seuls occupent un temps considérable du tournage, y compris pour ce qui semble « simple » au premier abord, du calage des panneaux pour la pluie et le vent (déplacés quatre fois, précise le rapport horaire du 20 août), à la grosse dizaine de prises au moment de la chute du guéridon… Indispensables pour que le spectateur accepte le personnage, les trucages choisis sont mis en avant comme autant de morceaux de bravoure, permettant à ce fantôme de se distinguer de ceux son temps.
© Régine Vallée, cinematheque.fr