Synopsis
Peu après la guerre de 1914-1918, Julien Davenne (François Truffaut) mène, dans une petite ville de l'Est de la France, où il est né, une vie retirée et discrète. Il est rédacteur au "Globe" une revue vieillotte. Pourtant, le jour où il assiste à la mise en bière de la femme de l'un de ses amis, Julien sort de sa réserve. Pour lui, la mort est un acte irréparable, scandaleux, et il ne supporte pas les paroles lénifiantes d'un pretre présent à la cérémonie. C'est que la vie de Julien cache en réalité un secret : le souvenir passionné qu'il voue à Julie Davenne-Vallance, sa femme morte peu de temps après leur mariage. D'ailleurs, au premier étage de sa maison existe une pièce - la "chambre verte" - qui est exclusivement consacrée à la disparue. Il possède, d'autre part, de nombreux portraits d'amis ou connaissances morts eux aussi. La réflexion de Julien sur la mort va l'amener peu à peu à découvrir un moyen pour communiquer avec ceux qui ne sont plus là. Avec la complicite de Cécilia Mandel (Nathalie Baye), une jeune femme qu'il rencontre lors de sa recherche d'une bague ayant appartenu à Julie, le journaliste va réunir "ses" morts dans une chapelle désaffectée où, baignant dans la clarté de mille chandelles, ils seront désormais les témoins d'une vie qui continue avec Cécilia et Julien.
Générique
Réalisateur (1)
Acteurs (26)
Production et distribution (3)
- Productions déléguées : Les Artistes Associés, Les Films du Carrosse
- Exportation / Vente internationale : mk2 films
- Distribution France : Les Artistes Associés
Générique détaillé (16)
- Scénaristes : Jean Gruault, François Truffaut, Jean-Pierre Moulin
- Directeur de la photo : Nestor Almendros
- Auteur de la musique : Maurice Jaubert
- Assistants à la réalisation : Suzanne Schiffman, Emmanuel Clot
- Monteuse : Martine Barraqué
- Ingénieurs du son : Michel Laurent, Jean-Louis Ughetto
- Costumes : Monique Dury, Christian Gasc
- Auteur de l'œuvre originale : Henry James
- Producteur : François Truffaut
- Assistants opérateurs : Florent Bazin, Anne Khripounoff
- Cadre : Dominique Le Rigoleur
- Directrice de production : Geneviève Lefebvre
- Scripte : Christine Pellé
- Décors : Jean-Pierre Kohut-Svelko
- Assistants décorateurs : Jean-Louis Poveda, Pierre Gompertz
- Mixage : Vincent Arnardi, Jacques Maumont
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Mentions techniques
- Type : Long-métrage
- Genre(s) : Fiction
- Sous-genres : Drame
- Thèmes : Mort
- Langue de tournage : Français
- Origine : France
- EOF : Oui
- Nationalité : 100% français (France)
- Année de production : 1978
- Sortie en France : 05/04/1978
- Durée : 1 h 34 min
- Etat d'avancement : Sorti
- Numéro de visa : 43535
- Visa délivré le : 15/03/1978
- Agrément : Oui
- Formats de production : 35 mm
- Type de couleur(s) : Couleur
- Cadre : 1.66
- Format son : Mono
Box-office & sorties
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Diffusion TV
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Sorties à l'international
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Actualités & distinctions
Sélections (2)
A propos
Analyse
Pour Anne Gillain : " Comme Adèle H., La chambre verte est construit sur le principe de "l'émotion par répétition" :
"Je crois à l'émotion retenue, à l'émotion non par paroxysme mais par accumulation. Je voudrais que l'on regarde La chambre verte la bouche ouverte, qu'on aille d'étonnement en étonnement, et que l'émotion ne nous étreigne qu'à la fin, grâce au seul lyrisme de la musique de Jaubert" ("Le cinéma selon Truffaut", pp. 325 et 376).
Davenne est, comme Adèle H., la proie d'une idée fixe que chaque scène reprend sous un angle différent : "le film repose sur l'idée classique de faire quelque chose avec presque rien" Si la musique de Jaubert a joué un rôle essentiel dans la structuration du récit, c'est qu'il répond au principe d'une composition musicale. La chambre verte joue une suite de variations sur un thème unique.
Ce film est, dans l'œuvre de Truffaut, celui qui va le plus loin dans le sens de l'économie. A court d'argent, Davenne ira faire une série de conférences en Scandinavie ; seul un plan flash des roues d'une locomotive représente ce voyage. A l'exception de quatre scènes isolées, toute l'action se déroule dans cinq lieux : la maison de Davenne ; les bureaux du globe, le journal où il travaille ; la salle des ventes où il rencontre Cécilia ; le cimetière ; la chapelle. L'ensemble du film a d'ailleurs été tourné dans le même cadre, comme l'explique Nestor Almendros :
"La chambre verte a été pratiquement filmé dans une seule maison louée à Honfleur. Des artifices de décoration nous permirent d'utiliser le même lieu pour des décors différents."
Un seul escalier a ainsi servi pour celui de Davenne, de Cécilia et du globe ; le bureau du journal est situé dans les combles de la maison et le cimetière dans son jardin. Econome d'actions et de lieux, la chambre verte l'est aussi de lumière. Sur 47 scènes, seules 14 sont explicitement tournées de jour, 17 se passent la nuit et les 16 autres sont situés en intérieur avec des lampes éclairées qui suggèrent le soir. Plus encore que Adèle H., La chambre verte se dérobe à la logique diurne pour faire triompher les lois impérieuses d'un monde intérieur.
Pourtant, à la différence d'Adèle, qui se révèle sans cesse au spectateur à travers les folles déclarations de son journal, Davenne ne se confie pas. Le récit le saisit du dehors et ce sont ses actions qui reflètent son obsession. Plusieurs scènes se terminent sur le regard stupéfait que jettent sur lui les personnages du film ; Cécilia à la salle des ventes ; Imbert, son patron, au Globe ; un employé de journal qui l'observe à la dérobée tandis qu'il compose la notice nécrologique de Massigny. Ces regards galvanisés par la surprise sont ceux que Truffaut veut provoquer chez le public. Le récit interdit la complicité avec le héros. Davenne est un homme narrativement seul.
Les premières images dévoilent de façon indirecte et silencieuse le paysage intérieur qu'il habite. Le générique de La chambre verte est parmi les plus beaux de Truffaut. Les cartons défilent sur des plans aux tons monochromes bleutés de la Première Guerre mondiale montrant des soldats lancés à l'assaut, courant vers l'ennemi ou fauchés par les balles. Par trois fois le visage en gros plan de Davenne, mal rasé et coiffé d'un casque vient se surimposer à la vision de cette hécatombe. Son regard fixe annonce sa déclaration future : "je suis devenu simplement le sectateur de la vie". Davenne s'est coupé d'un monde qui a suivi son cours avec "l'après-guerre" ; il demeure hanté par les images d'un carnage insoutenable qui a marqué la fin d'une époque et où sont mort, comme il le dira, tous ses amis. En substituant une teinte bleue au noir et blanc des plans documentaires, Truffaut leur retire tout caractère réaliste pour leur conférer une valeur subjective. Davenne vit dans un paysage intérieur d'outre-tombe.
La chambre verte suit la confrontation de deux temps, celui de Davenne qui vit dans un état de demi-folie qui le coupe de la réalité. Ses souvenirs sont déformés par le combat perdu d'avance qu'il mène contre la durée : en refusant le travail nécessaire du deuil, il se livre à celui de la mort. Cécilia, à l'inverse du parti pris violent de Davenne, accepte le passage du temps : "Je crois fermement que l'oubli est nécessaire", lui dira-t-elle. Tout le fil est structuré par ce contraste qui reflète le conflit entre le héros et la jeune femme.
Cette confrontation prend la forme d'un contraste stylistique. Le récit ouvre sur la veillée funèbre de la femme de Mazet où Davenne chasse tous les assistants et surtout le prêtre. La scène suivante le montre à la recherche d'une bague ayant appartenu à sa femme, dans la salle des ventes où il rencontre Cécilia. La première scène comporte 36 plans ; la seconde un plan séquence unique. Dans ce film où les plans sont rares - 458 pour l'ensemble du récit- des passages très découpés où dominent les plans fixes alternent avec des plans séquences filmés en travelling. Parmi ceux-ci, le plus beau sera le long plan de l'enterrement de Massigny, où la caméra parcourant le cimetière ira lentement trouver Cécilia qui sanglote dissimulée sous un voile, dans un coin isolé.
Les plans séquences sont ainsi toujours associés à la jeune femme. Ils sont la seule manifestation de continuité dans un film qui est composé de scènes disjointes, séparées par des fondus aux noir qui les isolent. Rien ne lie, par exemple les deux premières scènes, et on ne sait jamais combien de temps s'écoule entre des fragments d'actions qu'unissent rarement des liens de causalité narrative. Les scènes se succèdent comme des instants immobiles dont l'ordre pourrait être modifié.
La scène qui succède aux deux première complète l'exposition du sujet et annonce son dénouement. Davenne rentré chez lui s'enferme dans son bureau avec Georges, l'enfant sourd-muet, pour lui montrer des plaques sur une lanterne magique. Il présente d'abord des images d'insectes, puis celles de soldats morts pendant la guerre. Au cours de la projection, l'enfant répétera avec ses mots confus et indistincts la description fournie par Davenne de ce spectacle horrible. L'association de ces images et d'un langage désarticulé traduit de façon poignante la faillite de l'humain dans ce désastre collectif. La scène poursuit le motif du générique comme le feront de nombreuses allusions à la guerre dans le récit : invalide poussé dans un fauteuil roulant, infirmes, palques commémoratives. La guerre a laissé partout les marques de son passage et Davenne, avec son corps intact, porte dans son esprit les traces de cette mutilation. Mais dans cette scène, le cinéma est aussi explicitement associé au souvenir des disparus. Lorsqu'il parlait à Mazet, Davenne allait éteindre une petite lampe pour ne laisser briller que la lumière des bougies. Pour regarder les plaques, Georges éteint lui aussi l'électricité. La pénombre d'une veillée funèbre se confond dans ce simple geste avec celle des salles obscures. Le culte des morts est inséparable de celui du cinéma
Dans les trois histoires de Henry James (L'autel des morts, la bête dans la jungle, les amis des amis) qui ont inspiré le récit de Truffaut, il n'y avait pas d'enfant. Dans La chambre verte, Gorges est, comme le remarquait Truffaut, "une réplique de Julien Davenne". Il joue un rôle analogue à celui du fils de la concierge dans Le dernier métro. Georges, puni par Davenne pour avoir cassé une plaque, se sauvera la nuit. Il descendra subrepticement l'escalier de la maison, comme le fera le héros à la fin du film pour rejoindre Cécilia à la chapelle. On le retrouvera dans une rue obscure où il brisera d'un coup de pierre la vitrine d'un magasin pour saisir le mannequin d'une femme au visage entouré de boucles. Au moment où il s'en empare, le bras d'un agent de police s'abat sur son épaule. Cécilia viendra le sortir de prison. Cette séquence, la seule dont les séquences soient bien enchaînées dans ce film fragmenté, reproduit la quête de Davenne : briser la séparation entre deux ordres d'expériences, la vie et la mort, le présent et le passé, le spectateur et le spectacle, pour s'emparer de la mère morte contre la loi du père. Le lieu obscur et profond où l'on enferme l'enfant évoque les lieux de délinquance que l'on retrouve souvent dans les films de Truffaut : la cellule d'Antoine Doinel, la cave de Luca Steiner. Mais l'aventure du petit Georges reprend aussi le rêve de La nuit américaine où Ferrand se voyait, enfant, allant voler la nuit les photos de Citizen Kane, Rosebud, la mère perdue. Dans la première version de La chambre verte (qui s'appelait alors La disparue) Truffaut nommait le héros Ferrand, comme son metteur en scène, lui aussi sourd comme Georges. Chez Truffaut, le jeu des analogies est interminable."
© Anne Gillain, "François Truffaut, le secret perdu", ed. Hatier, 1991.