A la fin du siècle dernier, Aloïse est née en Suisse. C'est une enfant sans mère, profondément attachée à son père, qui grandit entre ses frères et soeurs dans une famille modeste. On sent en elle de grandes aspirations, surtout artistiques. La musique et le chant d'abord l'intéressent. Mais, comme possibilité de s'exprimer, il n'y a, au début, que la messe. Un jour, elle a un mouvement d'orgueil. Elle regrette que des voix médiocres couvrent la sienne dans l'église. Rien d'autre que l'art ne la passionne. Elle s'imagine cantatrice. Elle refuse un fiancé, jeune homme bon et aimable qui aurait pu la rendre heureuse. Comme il lui faut bien travailler, on la retrouve à Postdam, gouvernante de trois petites filles du chapelain de l'empereur Guillaume II. Quand la déclaration de guerre survient, on lui dit qu'il faut qu'elle quitte l'Allemagne. Elle commence à s'exalter. Elle crie son incompréhension de la guerre, de tout ce qui se passe. Rentrée en Suisse, elle monologue dans les rues, jette ses meubles par la fenêtre. Bientôt, il faut l'interner. Une longue existence de réclusion s'ouvre pour elle. Elle se met à écrire, s'enfermant fréquemment dans les toilettes. Son délire, que nous appelons peut-être ainsi parce que nous ne le comprenons pas, s'exprime ensuite par la peinture sur de grands rouleaux de papiers collés. Des experts s'intéressent à ses oeuvres. On les expose, et on les loue. Très âgée, Aloïse visite la galerie et fait des commentaires, parfois très critiques, sur ses anciennes toiles. Puis elle meurt, n'ayant jamais quitté l'asile, laissant à la postérité le souvenir d'un être exigeant et mystérieusement créateur.
Source : © Fiches du Cinéma